LE JUIF DANS L'HISTOIRE DE FRANCE
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Récits des arbres, comme ceux qu’écrivit Iochanan, fils de Zakhar; puis les apologues populaires et naïfs, les Meschelot Khobsem ou Récits des blanchisseuses.
Les plus réussis de ces courts récits sont les Meschelot Schualim ou Fables des renards, qui jouent, nous l’avons dit, un grand rôle dans l’éducation des petits Israélites en leur apprenant de bonne Heure à être malins et à mettre dedans le goy.
Quelques fables de Berakhia : la Mouche et le Jour eau, les Deux Cerfs, le Taureau, le Lion et le Bouc sont jolies sans avoir rien d’extraordinaire. Le Faisceau de baguettes d’Isaac de Corbeii est plus piquant; la moralité résume tout le mouvement juif et pourrait être inscrite en épigraphe sous les mains enlacées de VAlliance israèlite universelle.
La fable orientale sera éternellement vraie. Si un homme lie en faisceau plusieurs baguettes, le plus fort des forts ne peut les rompre ; au contraire, si elles sont séparées, le plus faible des faibles les rompra très facilement.
Berakhia, l’auteur de VHidoth Isopito, Similitudes ou Enigmes d'Ysopet, fait parfois songer à Florian. Joseph Ezobi de Perpignan, l’auteur du poème Qu'arath kesef, l’Ecuelle d'argent, qu’il composa pour le mariage de son fils Samuel et qu’il lut aux noces, semble avoir été un peu le Gresset du xiii* siècle.
Les Juifs recherchaient surtout les tours de force, les difficultés vaincues, les acrostiches. Abraham Bedersi, auteur de l'Épée flamboyante et de plusieurs petits poèmes qui ont été réunis sous le titre de Divan, avait composé la Pétition des lamed, ainsi désignée parce que dans toute la pièce ne figurait pas une seule des lettres qui dans l’alphabet sont au delà de L, et que, de plus, chaque mot de la pièce renfermait cette dernière lettre.
Sans tomber dans la subtilité, on peut rattacher cette sorte de puérilité dans l’effet et d’indigence dans l’inspiration à l’importance qu’ont pris les mots aux dépens de l’idée, à la stérilité prétentieuse qui règne partout depuis que les Juifs sont les maîtres de notre littérature.
On voit qu’il n’y a rien là qui ait beaucoup avancé l’histoire de la civilisation. Nous sommes loin du large souffle des chansons de geste, des improvisations pleines de couleur et de naïveté des trouvères et des ménestrels, loin de Jean Bodel et de Rutebœuf. Si on les eût laissé faire, les Juifs nous auraient peut-être donné l’opérette quelques siècles plus tôt; c’est tout ce qu’on peut dire de plus élogieux sur leur littérature.