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LA FHANCEJUIVE
C'est dans ce sens encore que Napoléon essayera de résoudre la question, et quand ils auront à leurs trousses toute l’Europe exaspérée, révolutionnée, ruinée par eux, les Juifs modernes, si fiers aujourd’hui, seront bien contents de ne pas trouver en France un souverain plus sévère que saint Louis.
Saint Louis parait même ne pas en avoir voulu à rabbi Jechiel de Paris de l’énergie avec laquelle il avait défendu le Talmud. Guedalia ben Jachim, dans sa Chaîne de la Tradition, raconte à ce sujet une anecdote qui ne manque pas de caractère.
Ce Jechiel, qui se mêlait de Kabbale et cultivait les sciences occultes, avait au sommet de sa maison une lampequi, disait-on, brûlait sans huile. En son logis sévèrement clos et défendu contre toute agression, il avait placé un clou enchanté qu’il n’avait qu’à pousser pour faire enfoncer les gens dans le sol dès qu’ils s’approchaient de sa maison.
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Un soir on heurte à la porte. Jechiel frappe sur le clou qui, au lieu de rentrer dans le mur, saute dans la chambre. Jechiel comprend que tous ses prestiges magiques sont sans force contre le visiteur; il devine que celui qui vient le voir est un saint; il pense de suite à celui que le peuple, devançant le jugement de l’Église, a déjà salué du nom do saint. « Le roi est là. 1 » dit-il, et il se précipite vers la porte et s’agenouille devant le souverain.
— Que venez-vous faire à ma porte, demande le rabbin, ne savez-vous point qu’il y a un génie qui veille sur ma demeure?
— Je n’ai point peur des démons, répond le roi, et je viens voir ta lampe dont tout Paris parle.
N’est-il pas vrai qu’elle a une certaine couleur, cette arrivée du roi qui, cheminant à travers le sombre Paris nocturne du Moyen Age, vient visiter ce savant au fond de sa mystérieuse retraite?
Les Juifs, en effet, depuis Philippe-Auguste, avaient dû prendre des précautions nouvelles; les temps allaient devenir de plus en plus mauvais
«Ceterum ordinacionem factam observari districte precipimus, quœ talis est: Judæi cessent ab usuris et blasphemiis, sortilegiis et caracteribus ; et tam Talomus (pour Talmudus; les exemplaires imprimés portent talibus qui ne veut rien dire) quam alii libri in quibus inveniuntur blasphemie comburantur; et Judæi qui hoc servare noluerint expellantur, et tran- gressores légitimé puniantur. Et vivant omnes Judæi de laboribus manuum suarum vel de negociacionibus sine terminis)vel usuris .»
On accordait aux Juifs, on le voit, la liberté du commerce, mais on leur défendait l’usure. Le mot caracteribus désigne les caractères magiques, les pratiques de sorcellerie. Ce texte se trouve aux Arch. nat., J. J. 30 a, f° 199, v®.