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LA FRANCE JUIVE
parole ne vous fait-il pas souvenir de ce comte délia Penna (comte de la Plume), de ce maréchal d’Ancre qui n’avait jamais tiré l’épée?
Notre Concini à nous a pu malheureusement faire tout le mal qu'il a voulu sans avoir trouvé de Vitry. La France n’enfante plus d’hommes comme ce vaillant qui, tranquillement, son épée sous le bras, avec trois soldats aux Gardes pour toute compagnie, s’en vint barrer le passage, sur le pont du Louvre, à l’aventurier orgueilleux qui s’avançait suivi d’une escorte nombreuse comme un régiment. — Halte-là! — Qui donc ose me parler ainsi, à moi? — Et comme le drôle étranger ajoutait un geste à ces paroles, Vitry, l’ayant bien ajusté, lui cassa la tcte d’un coup de pistolet.
Puis il entra chez le roi et dit : « C’est fait. — Grand merci, mon cousin, répondit Louis XIII à l’humble capitaine, que son courage, ainsi qu’on le voit encore en Espagne, venait de faire le parent du roi, vous êtes maréchal et duc, et je suis heureux de vous saluer le premier de votre nouveau titre. »
Par la fenêtre une grande rumeur arrivait en même temps, c’était Paris qui, enfin vengé de tant de hontes subies, battait frénétiquement des mains.
Aujourd’hui, l’industrie a encore des chevaliers et la Bourse des barons ; mais l’héroïsme ne fait plus de maréchaux ni de ducs. Les Juifs étrangers peuvent tout se permettre chez nous; nul Vitry ne tirera l’épée pour arrêter les oppresseurs de sa patrie. Je connais cependant à Paris un pont, au bout d’une place célèbre, où un colonel qui aurait du poil au menton pourrait gagner un titre plus beau que celui que le hardi capitaine des Gardes gagna, le 24 avril 1617, sur le pont du Louvre.
Concini à peine tué, on intima l’ordre aux Juifs, qui, avec leur activité ordinaire, avaient déjà constitué comme une petite synagogue chez un membre du Parlement, de disparaître immédiatement.
Le seul Juif un peu en évidence dont on trouve trace à Paris à cette époque, est Lopez. Mais Lopez était-il bien Juif? 11 s’en défendait du moins comme un beau diable et protestait qu’il était Portugais ou tout au moins mahométan; il mangeait du porc tous les jours au point de s’en rendre malade, pour dépister les soupçons.
Malgré toutes les dénégations du pauvre Lopez, je crains bien qu’il n'ait été de la race. Bibelotier, marchand de diamants, banquier, agent politique, finalement conseiller d’État, n’a-t-il pas l’air d’un vrai gouvernant d’aujourd’hui? 11 y a en lui comme un mélange de Proust et de Bischoffsheim.