LE JUIF DANS L’UISTOIRE DE FRANCE
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connut lâ non point le succès éclatant qui grise le Juif et qui le perd, mais le calme de longue durée, la vie régulière et normale *.
C’est Rembrandt qu’il faut, je ne dis pas regarder, mais contempler, étudier, scruter, fouiller, analyser, si l’on veut bien voir le Juif.
Élève d’Isaackson van Schanenberg et de Jacob Pinas, locataire d’abord, puis propriétaire de cette maison de la Joden Breestraet (rue des Juifs), dans laquelle il peignit ses chefs-d’œuvre, Rembrandt vécut constamment avec Israël. Son atelier môme, encombré d’objets d’art, véritable caphar- naüm d’étoffes et de bibelots, ressemble à ces boutiques de brocanteurs au fond desquelles l’œil, un moment désorienté, finit par distinguer un vieillard sordide au nez crochu. Son œuvre a la couleur juive, elle est jaune de ce jaune ardent et chaud qui semble comme le reflet de l’or jouant sur une vieille rouelle du Moyen Age oubliée dans un coin.
Qu’ils sont parlants ces Juifs de Rembrandt causant d’aflaires au sortir de la Synagogue, s’entretenant du cours du florin ou du dernier envoi de Batavia, ces voyageurs qui cheminent leur bâton à la main avec des airs de Juifs errants qui sentent qu’ils vont arriver et s’asseoir quelque part’!
1. Une réaction, cependant, semble être en train de se produire là encore, car les Juifs finiront par exaspérer les gens les plus paisibles. A Amsterdam, au mois d'octobre 1884, nous racontent les Archives Israélites, le propriétaire du premier café de la ville refusa l'accès de son établissement aux Juifs, en s'excusant sur les répugnances de sa clientèle. Un des expulsés, M. A. C. Wertheim, chevalier de la Légion d'honneur et officier d'académie, naturellement, puisqu'il est Juif et étranger, protesta violemment ; mais le propriétaire défendit son droit, et il fut chaleureusement félicité par tout le monde.
2. Une apparition du Juif errant eut lieu en 1640 à Bruxelles, et Rembrandt put être frappé de ce récit. Les bourgeois qui rencontrèrent l'éternel voyageur le trouvèrent vêtu d'un costume fort délabré; il entra avec eux dans une auberge, il y but; mais refusa de s’asseoir. On l'avait vu le 14 janvier 1603, à Lubeck, et la même année à Nuremberg où il assista à un sermon. Matthieu Paris, un des premiers qui ait donné des détails sur ce personnage légendaire, a reproduit le récit qu’un archevêque d’Arménie lui avait fait en présence d'un chevalier d’Antioche. Ce récit diffère de la version populaire en plusieurs points. D’après lui, Carta- phile, portier du prétoire de Ponce-Pilate, qui, saisissant le moment où Jésus passait le seuil de la porte, l'aurait frappé avec mépris d'un coup de poing dans le dos, en lui criant : « Va donc, Jésus, va donc plus vite, qu'attends-tu? » aurait été baptisé et appelé Joseph par Ana- nias, qui baptisa saint Paul ; il vivait ordinairement en Arménie.
La dernière apparition du Juif errant remonte à 1774. C'est de cette époque que du te la gravure populaire que tout le monde connaît « ornée du portrait dessiné d’après nature par les bourgeois de Bruxelles ».
Le vin^t-quatrième couplet, dans sa triviale naïveté, résume admirablement le caractère du Juif :
Messieurs, le temps me presse,
Adieu la compagnie;
Grâce à vos politesses!
Je vous en rem*«-cie,
Je suis trop tourmenté Quand je suis arrêté.
Je ne vois pas trop ce que les penseurs et les historiens ajouteraient à cette confession