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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LE JUIF DANS LUISTOIRE DE FRANCE

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connut non point le succès éclatant qui grise le Juif et qui le perd, mais le calme de longue durée, la vie régulière et normale *.

Cest Rembrandt quil faut, je ne dis pas regarder, mais contempler, étudier, scruter, fouiller, analyser, si lon veut bien voir le Juif.

Élève dIsaackson van Schanenberg et de Jacob Pinas, locataire dabord, puis propriétaire de cette maison de la Joden Breestraet (rue des Juifs), dans laquelle il peignit ses chefs-dœuvre, Rembrandt vécut constamment avec Israël. Son atelier môme, encombré dobjets dart, véritable caphar- naüm détoffes et de bibelots, ressemble à ces boutiques de brocanteurs au fond desquelles lœil, un moment désorienté, finit par distinguer un vieil­lard sordide au nez crochu. Son œuvre a la couleur juive, elle est jaune de ce jaune ardent et chaud qui semble comme le reflet de lor jouant sur une vieille rouelle du Moyen Age oubliée dans un coin.

Quils sont parlants ces Juifs de Rembrandt causant daflaires au sortir de la Synagogue, sentretenant du cours du florin ou du dernier envoi de Batavia, ces voyageurs qui cheminent leur bâton à la main avec des airs de Juifs errants qui sentent quils vont arriver et sasseoir quelque part!

1. Une réaction, cependant, semble être en train de se produire encore, car les Juifs finiront par exaspérer les gens les plus paisibles. A Amsterdam, au mois d'octobre 1884, nous racontent les Archives Israélites, le propriétaire du premier café de la ville refusa l'accès de son établissement aux Juifs, en s'excusant sur les répugnances de sa clientèle. Un des expulsés, M. A. C. Wertheim, chevalier de la Légion d'honneur et officier d'académie, naturellement, puisqu'il est Juif et étranger, protesta violemment ; mais le propriétaire défendit son droit, et il fut chaleureusement félicité par tout le monde.

2. Une apparition du Juif errant eut lieu en 1640 à Bruxelles, et Rembrandt put être frappé de ce récit. Les bourgeois qui rencontrèrent l'éternel voyageur le trouvèrent vêtu d'un costume fort délabré; il entra avec eux dans une auberge, il y but; mais refusa de sasseoir. On l'avait vu le 14 janvier 1603, à Lubeck, et la même année à Nuremberg il assista à un sermon. Matthieu Paris, un des premiers qui ait donné des détails sur ce personnage légen­daire, a reproduit le récit quun archevêque dArménie lui avait fait en présence d'un chevalier dAntioche. Ce récit diffère de la version populaire en plusieurs points. Daprès lui, Carta- phile, portier du prétoire de Ponce-Pilate, qui, saisissant le moment Jésus passait le seuil de la porte, l'aurait frappé avec mépris d'un coup de poing dans le dos, en lui criant : « Va donc, Jésus, va donc plus vite, qu'attends-tu? » aurait été baptisé et appelé Joseph par Ana- nias, qui baptisa saint Paul ; il vivait ordinairement en Arménie.

La dernière apparition du Juif errant remonte à 1774. C'est de cette époque que du te la gravure populaire que tout le monde connaît « ornée du portrait dessiné daprès nature par les bourgeois de Bruxelles ».

Le vin^t-quatrième couplet, dans sa triviale naïveté, résume admirablement le carac­tère du Juif :

Messieurs, le temps me presse,

Adieu la compagnie;

Grâce à vos politesses!

Je vous en rem*«-cie,

Je suis trop tourmenté Quand je suis arrêté.

Je ne vois pas trop ce que les penseurs et les historiens ajouteraient à cette confession