Druckschrift 
La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
Entstehung
Seite
187
Einzelbild herunterladen

LE JUIF DANS LHISTOIRE DE FRANCE

187

de la maison, est à coup sûr un des phénomènes les plus curieux pour lobservateur.

Les rares esprits qui, en France , sont encore capables de lier deux idées de suite, trouveront occasion à réflexion sur le mouvement anti­religieux dont létude est encore à faire, car les éléments de cette étude, cest-à-dire la) connaissance des origines vraies des persécuteurs sont très incomplets, quoiquon soccupe depuis quelque t^mps de les rassem­bler*.

1. Dans cet ordre d'idées, il faut lire le récit dun voyage en Espagne publié par le Jeuiish Chronicle en 1848, et reproduit par les Archives israélites (tome IX). Ce nest rien, en apparence, mais c'est un document historique et humain excellent.

En 1839, un Juif anglais désire se mettre en communication avec ses coreligionnaires d'Espagne et ohlient à grandpeine une lettre pour quelques-uns dentre eux. Il arrive chez lun deux, dans une ville qu'il ne nomme pas par discrétion; il entre dans un salonencombré de statuettes de saints, de crucillx dargent, dimages de piété. Il se fait reconnaître; mais son hôte, en lui ouvrant ses bras, lui recommande bien de ne rien dire qui puisse le compro­mettre, car le pays le croit zélé catholique et son fils et sa fille ignorent quil est Juif.

Au milieu e la nuit, le chef de famille et son visiteur descendent dans un souterrain Cest ouc se réunissent les membres dune petite communauté juive dont nul ne soupçonne lexistence.

Au plafond est suspendue la lampe perpétuelle. A lorient, une armoire tendue de velours noir renferme les rouleaux du Pentateuque et un exemplaire des sections des Prophètes; sur la table de bronze sont gravés les Dix Commandements .

A côté de larmoire se trouve un calendrier juif et la liste de tous les illustres person­nages juifs, qui, sans être reconnus pour tels, ont joué un rôle considérable dans les affaires de l'Espagne .

Au centre, sur une table de marbre noir, s'étalent les philactères, les taleths, le* livres de prières en hébreu .

Une seule tombe apparaît. Obligés de supporter lhumiliation dêtre enterrés dans le cimetière catholique et de subir les prières des prêtres, les Juifs ont pu soustraire à cette profanation le corps de leur rabbin, et ils lont enterré. A la mort de chaque membre de la communauté, on vient déposer une petite pierre près de la tombe vénérée.

Létranger et lEspagnol sentretiennent longtemps dans ce sanctuaire de leurs communes espérances, puis par un soupirail, on aperçoit le jour qui pointe : Voici lheure de la prière du matin : « Il ne faut pas quitter la synagogue sans avoir élevé nos cœurs vers le Dieu de nos pères. » La cloche dun couvent voisin jette dans lair ses notes argentines et ciaires. Un léger mouvement se fait dans la maison : cest la jeune fille qui court à léglise, et qui se hâte pour ne point manquer la première messe...

Le voyageur retourne en Espagne , dix ans après; il croit se tromper, car il retrouve un palais à la place sélevait jadis lhumble maison de son coreligionnaire. On se met à labié et on récite la prière dusage à haute voix : la jeune fille est ouvertement Juive.

Les Juifs, du reste, ont repris presque entièrement possession de lEspagne . Dès 1869, M. Jules Lan constatait que la plupart des descendants des Juifs convertis avaient conservé un hebraï co corazon, ce quon appelle en allemand ein judischer herz. Il se livrait à des transports dithyrambiques en rencontrant partout dans le quartier des grands négociants de Madrid , le Montara, la Calle faen Carrai des Bernheim, des Mayer, des Levy, desWesveil- ler, des Wertheimber.

Cela suffit à expliquer que lEspagne se débatte au milieu de crises révolutionnaires incessantes.

Lors de linauguration de la synagogue de Lisbonne , il y a quelques années, « on a été 8 urpris, raconte M. Théodore Reinach , de voir des familles arriver de fort loin de lintérieur