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Grâce à cette mesure, les Juifs portugais purent rester à peu près tranquilles à Bordeaux jusqu’à la Révolution.
Bordeaux était cependant un bien étroit terrain pour les Juifs ; ils essayèrent vainement en 1729 de s’établir à la Rochelle ; un autre arrêt du 22 août 1729, rendu sur les conclusions de d’Aguesseau, qu’on retrouve toujours lorsqu’il s’agit de défendre la Patrie, les chassa de la ville de Ne vers.
C’était Paris surtout qu’ils ambitionnaient; en 1767, ils crurent avoir trouvé le moyen d’y pénétrer. Un arrêt du Conseil avait statué qu’à l’aide de brevets accordés par le roi, les étrangers pouvaient entrer dans les corps de métiers. Les Juifs, toujours à l'affût, s’imaginèrent qu’il serait facile de se glisser par cette porte.
Les six corps de marchands protestèrent énergiquement. La Requête des marchands et négociants de Paris contre l'admission des Juifs est, à coup sûr, un des documents les plus intéressants qui existent sur la question sémitique.
On ne peut plus, en effet, nous raconter les vieilles histoires de peuples fanatiques excités par les moines, de préjugés religieux. Ces bourgeois sont des Parisiens du xvm* siècle, des contemporains de Voltaire , assez tièdes probablement.
Ce qu’ils discutent, ce n’est pas le point de vue religieux, c’est le point de vue social. Leurs arguments, inspirés par le bon sens, le patriotisme, le sentiment de la conservation, sont les mêmes que ceux des comités de Berlin , d’Autriche , de Russie , de Roumanie et l’on peut dire que leur éloquente requête est la première pièce du dossier antisérnitique moderne sur lequel statuera définitivement le vingtième siècle commençant, si le procès dure jusque-là.
Les marchands parisiens protestent avec énergie contre l’assimilation qu’on veut établir entre le Juif et l’étranger ; l’étranger s’inspire à un fond d’idées qui est commun à tous les civilisés, le Juif est en dehors de tous les peuples; c’est un forain, quelque chose comme le Circulator antique.
L’admission de cette espèce d’hommes dans une société politique ne peut être que très dangereuse; on peut les comparer à des guêpes 1 qui ne s’introduisent dans les ruches que pour tuer les abeilles, leur ouvrir le ventre et en tirer le miel qui est dans leurs entrailles. Tels sont les Juifs, auxquels il est impossible de supposer les qualités de citoyen que l’on doit certainement trouver dans tous les sujets des sociétés politiques.
1. C’est l’idée que les Allemands expriment d’une façon plus pittoresque encore en appelant le Sémitisme : l’Araignée d'or juive, « die juditehe goldapinne ».