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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

réelle du Juif. Voltaire , qui a attaqué surtout lAncien Testament, en liaine du Nouveau, a accablé les Juifs de ses railleries polissonnes, mais il a parlé deux a>mme il parlait de tout, sans savoir ce quil disait.

La haine de lauteur de la Pucelle contre Israël était, il faut le recon­naître, inspirée par les mobiles les plus vils et les plus bas. Voltaire fut au xvni' siècle, avec le talent, le style et lesprit en plus, le type parfait de lopportuniste daujourdhui. Affamé dargent, il était sans cesse mêlé à toutes les négociations véreuses de son temps. Lorsquau moment du cen­tenaire, Gambetta, dans une conférence présidée par le Badois Spuller, vint louer lami du roi de Prusse et déclarer quil était le père de notre République, il accomplissait véritablement un devoir de piété filiale. Asso­cié aux fournisseurs qui faisaient crever de faim nos soldats et qui les laissaient tout nus, affilié à tous les maltôtiers de son temps, Voltaire , de nos jours, aurait eu Ferrand pour commanditaire; il aurait réalisé un joli bénéfice dans lemprunt Morgan ; il eût damé le pion à Challemel-Lacour et à Léon Renault dans les négociations financières.

Rien détonnant, dans ces conditions, que Voltaire ait été mêlé de bonne heure aux affaires des Juifs. Ce Français au cœur prussien résolut dail­leurs le difficile problème dêtre plus âpre au gain que les fils dIsraël , plus fourbe que ceux quil insultait.

Espion despion pour le compte de Dubois, telle est la posture, pour employer un mot de Ferry , dans laquelle se révèle dabord à nous le grand homme cher à la démocratie française. Un curieux fragment de sa corres­pondance, auquel, seul de nos écrivains, M. Ferdinand Brunetière a fait une légère allusion *, nous montre le philosophe, à lâge les nobles sentiments fleurissent dans les natures les moins bien douées, dénonçant à Dubois un malheureux Juif de Metz , Salomon Lévy, qui faisait honnête­ment son métier despion.

La lettre, adressée à Dubois à la date du 28 mai 1722, est intéressante pour lordre des études que nous poursuivons; elle éclaire bien la figure de Voltaire , et nous montre également en action le Juif informateur cos­mopolite pénétrant partout grâce à sa race 1 2 . Cela pourrait sappeler les deux agents et servir de pendant à la lutte des deux policiers de Balzac : Peyrade et Gontenson. Cest Voltaire cependant qui paraît le plus habile, peut-être parce quil est le moins scrupuleux.

1. Etudes critiques sur lhistoire de la littérature française.

2. Cette vocation est tellement innée chez eux, que nous voyons Heine lui-même, « ce rossignol qui, selon une jolie expression, avait fait son nid dans la perruque de Voltaire , » émarger aux fonds secrets, pendant toute la durée du règne de Louis-Wùlippe.