LE JUIF DANS L'HISTOIRE DE FRANCE
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Que se passa-t-il ensuite ? Il est très difficile de le savoir au juste. Un second Juif, Ephraïm Weitel, se mêla à l’affaire pour avoir sa part de profit. Voltaire , en échange d’un hillet de lui, avait exigé de Hirsch un dépôt de dix-huit mille livres de diamants. Il laissa protester sa lettre de change et voulut acheter les diamants à un prix dérisoire. Il demanda en outre à Hirsch de lui apporter une bague et un miroir de diamants pour les examiner ; puis, non content de garder encore ce nantissement, il arracha violemment au malheureux Juif une bague qu’il avait au doigt.
Le procès qui s’ensuivit fit un bruit affreux. Voltaire , qui dénonçait volontiers et qui s’arrangeait pour être toujours bien avec les autorités, avait prié M. de Bismarck, un des ancêtres du terrible Chancelier, de faire arrêter Hirsch, qui, détenu quelque temps, fut bientôt remis enliberté.
Frédéric II traita l’homme auquel la France républicaine élève maintenant des statues avec un mépris mérité : « Vous me demandez, écrivait-il à ce sujet àla margrave de Bayreuth , ce que c’est que le procès de Voltaire avec un Juif; c’est l’affaire d’un fripon qui veut tromper un filou. Bientôt nous apprendrons par la sentence qui est le plus g#and fripon des deux. »
Chassé de Postdam, Voltaire s’humilie sousl’outrage : « Sire, écrit-il, je supplie Votre Majesté de substituer la compassion aux sentiments de bonté qui m’ont enchanté et qui m’ont déterminé à passer à vos pieds le reste de ma vie. »
« Je demande bien pardon à Votre Majesté, à votre philosophie, à votre bonté. »
— « Vous avez eu avec le Juif la plus sale affaire du monde, » répond Frédéric, et il ordonne à Voltaire de quitter ses États.
Ces désagréments financiers expliquent l’hostilité que Voltaire témoigna toute sa vie aux Juifs, ses railleries sur leurs règles d’hygiène, ses appellations de circoncis, de dèprèpucé, qui reviennent à chaque
V
instant sous sa plume.
Ce qui étonne, même quand on connaît l’ignorance de Voltaire , qui se trompe toujours quand il ne ment pas, c’est, je le répète, l’idée qu’il se fait de la force numérique des Juifs.
Nous pensons, écrit-il dans l’opuscule Un Chrétien contre six Juifs, que vous n’êtes pas plus de quatre cent mille aujourd’hui, et qu’il s’en faut. Comptons : cinq cents chez nous devant Metz , une trentaine à Bordeaux , deux cents en Alsace , douze mille en Hollande et Flandre , quatre mille cachés en Espagne et en Portugal , quinze mille en Italie , deux mille très ouvertement à Londres , vingt mille en Allemagne , Hongrie , Holstein, Scan dinavie , vingt-cinq mille en Pologne et pays circonvoisins, quinze mille en Turquie , quinze mille en Perse. Voilà tout ce que je connais de votre po-