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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

Daprès le récit de Beaumarchais, lauteur du Barbier de Séville aurait réussi moyennant une somme de 1,500 livres (75,000 francs), à racheter lédition hollandaise et lédition anglaise; puis,apprenant que le Juif, une fois payé, senfuyait avec un exemplaire quil comptait faire réimprimer, il laurait poursuivi à travers lAllemagne, laurait rejoint dans un bois aux environs de Nuremberg, et, le pistolet sur la gorge, lui aurait arraché cet unique exemplaire. Cest à ce moment que Beaumarchais, surpris par des voleurs, aurait été blessé et naurait la vie quà larrivée de ses domestiques.

Ceux-mêmes qui étaient disposés à croire que Beaumarchais avait drama­tisé la situation et exagéré les périls quil avait courus navaient jamais mis en question la réalité de rachat de la brochure et même de laventure dAl­lemagne quattestait lhôtelier chez lequel on avait transporté Beaumar­chais blessé. Mais une certaine école, qui a pris à tâche de déshonorer tous les Chrétiens, pour faire des Juifs autant de petits saints, ne doute de rien.

M. dArneth, qui a publié à Vienne quelques documents sur Marie-Antoi- nette, dune authenticité assez contestable, savisa de prétendre, dans une brochure intitulée : Beaumarchais und Sonnenfels, que Beaumarchais avait joué une indigne comédie, quil avait fabriqué le pamphlet lui-même, que le Juif Angelucci navait jamais existé.

M. Paul Huot traduisit cette brochure en 1869, sous ce titre : Beaumar­chais en Allemagne, sans que personne prêtât grande attention à ce para­doxe.

Ce qui métonne, cest de voir un érudit comme M. Auguste Vitu ne pas craindre dadopter celte singulière version, dans lexcellente Introduction quil a mise en tête du Théâtre de Beaumarchais , publié par Jouaust.

Cest chose grave, après tout, que daccuser dune action aussi basse un écrivain qui, de quelque façon quon juge la portée de son œuvre, nen a pas moins honoré la France par son talent. Sur quoi M. Vitu se fonde-t-il pour accepter les dires de M. dArneth ? J'admets pour une minute que Beaumarchais ait été lhomme que nous peint ce dernier dune plume, selon moi, calomniatrice. Il avait fait fabriquer un libelle, il avait reçu 75,000 livres pour le racheter ; le coup était réussi, il navait plus quà revenir en France. Pourquoi courir en Allemagne à la recherche dAnge- lucci? Pourquoi, en imaginant lhistoire dun exemplaire échappé, donner une si piètre idée de son habileté au moment il ambitionnait des mis­sions diplomatiques?

A mon avis, M. Vitu a manqué de sens critique en se prononçant contre un compatriote, sans rechercher les motifs qui ont probablement fait agir