LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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D’Allonville, dans ses Mémoires secrets, est très explicite sur ce point 1 :
La Commune de Paris, écrivait-il, ainsi que Dumouriez, n’avaitpas tardé à ourdir des intrigues pour essayer de sauver sa sanglante domination. Dohm, dont le nom se rencontre dans toutes les négociations occultes de la Prusse, qui, lors des insurrections de la Belgique, s’était lié avec l’abbé Tondu, journaliste alors à Herve, et depuis ministre des relations étrangères sous le nom de Lebrun; Dohm, en correspondance avec les Jacobins français par un nommé Benoît, avait, dès le début de la campagne, fait comprendre à M me de Ritz, puis à Lucchesini et à Lombard très en crédit près de Frédéric-Guillaume, les avantages qu’il pouvait personnellement tirer d’un accord secret avec la France, et ceux que cette puissance procurerait à l’ennemi naturel de l’Autriche ; mais la loyauté du monarque prussien et son désir de sauver la famille royale prisonnière mettaient obstacle au vœu très prononcé de ses entours à qui, d’ailleurs, il fallait de l’or et beaucoup d’or afin de les déterminer à satisfaire les désirs de ceux que les monarques avaient en horreur.
Pour franchir ce double obstacle, il était nécessaire de ruiner l’armée prussienne et les lenteurs du duc de Brunswick y pourvurent; de ramasser assez d’argent pour corrompre les ministres prussiens, et les diamants du Garde-Meuble le fournirent.
Billaud-Varennes, parti de Paris après les massacres des 2 et 3 septembre, s’était, dès le 11, rendu à l’armée et avait entamé les négociations dont les sommes promises et non encore payées retardaient seules la conclusion. 2 à 3 millions, fruits du pillage du 10 Août, étaient tout ce que la Commune de Paris possédait et ce n’était pas assez. Que ne faites-vous voler le Garde- Meuble ? s’écria Panis : et la chose eut lieu le 16 septembre, par les soins de Tallien et de Danton, ce qui procura, en diverses valeurs, une somme de trente millions.
De premières ouvertures avaient facilité la fuite de Dumouriez d’une position dans laquelle il eût sans ressources été perdu; d’autres empêchèrent qu’il ne fût déposté lors de la canonnade de Valmy ; et du 22 au 28 les négociations furent, comme nous l’avons déjà dit, suivies avec activité.
Les diamants de la Couronne alimentèrent longtemps le commerce des Juifs d’Allemagne. Danton et Fabre d’Eglantine, que M“ Roland accuse si formellement du vol, eurent leur part du pillage. Quelques Juifs subalternes qui s’étaient laissés prendre passèrent seuls en jugement.
Un des premiers individus coupables du vol du Garde-Meuble, dit le Bulletin du Tribunal criminel, qui eut à subir la sanction de la loi, fut un Juif du nom de Louis Lyre, natif de Londres et âgé de 28 ans, exerçant la profession de marchand dans le quartier Beaubourg. 11 avait été accusé d’avoir participé au pillage commis dans les nuits des 11,13 et 15 septembre et d’avoir vendu, dans le courant de ce mois, à un certain Moyse Trenel, des perles et des diamants, sa part dans le produit du vol. Il laissa un testament de mort, et le 13 octobre 1792, à dix heures et demie du soir, il
1* Mémoires Secrets, tome III.