LE JUIF DANS L'HISTOIKE DE FRANCE
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insolent, mais dont les richesses, après la mort, revenaient à l’État par moitié. Appliqué à des familles comme les Rothschild, ce système aurait donné d'excellents résultats et aurait fait rentrer dans le domaine public les excédents de bénéfices perçus, sans empêcher ces races mercantiles par excellence d’obéir à leur vocation pour les trafics d’argent. Rome avait encore le Peregrinus auquel il était défendu d’approcher de Rome; mais, aux plus mauvais jours de son histoire, l'affranchi n’était pas admis à entrer dans la curie d’une cité provinciale. Jamais le Peuple-Roi n’aurait compris qu’un étranger, même naturalisé comme Spuller ou Gambetta, fut l’égal du fils des vieux citoyens qui avaient fondé la grandeur romaine.
Au moment de la réunion des députés Juifs en 1806, un jurisconsulte illustre, dont la haute et sereine intelligence était étrangère à toute influence fanatique, Portalis, se prononçait très clairement sur ce point dans un mémoire qui n’a pas moins de 30 pages et qui est un chef-d’œuvre d’impartialité et de bon sens ;
i/Assemblée constituante avait cru que, pour rendre les Juifs bons citoyens, il suffisait de les faire participer indistinctement et sans conditions à tous les droits dont jouissent les citoyens français; mais l’expérience a malheureusement prouvé que si on n’avait pas manqué de philosophie on avait manqué de prévoyance, et que dans certains milieux on ne peut se permettre de promulguer utilement de nouvelles lois qu’autant que l’on a travaillé avant tout à préparer et à former de nouveaux hommes.
L’erreur vient de ce qu’on n’a voulu voir qu’une question de tolérance religieuse dans le problème à résoudre sur l’état civil des Juifs en France*.
Les Juifs ne son! pas simplement une secte, mais un peuple. Ce peuple avait autrefois son territoire et son gouvernement; il a été dispersé sans être dissous ; il erra sur tout le globe pour y chercher une retraite et non une patrie; il existe chez toutes les nations sans se confondre avec elles, il ne croit vivre que sur une terre étrangère.
Cet ordre de choses tient àla nature et à la force des institutions judaïques. Quoique tous les États aient en général un même objet, celui de se conserver et de se maintenir, chaque Etat en a pourtant un qui lui est particulier. L’agrandissement était l’objet de Rome, la guerre celui de Lacédémone, la culture des lettres celui d’Athènes, le commerce celui de Carthage et la religion celui des Hébreux.
C’est dans la nature d’une telle législation que les philosophes et les savants ont cherché l’explication de sa durée. On comprend en effet que. quand chez un peuple la religion, les lois, les mœurs et les usages de la vie sont la même chose, il faudrait, pour opérer quelque révolution dans les opinions et dans les coutumes de ce peuple, pouvoir changer à la fois toutes les institutions et toutes les idées reçues dont son existence se com-
1. C’est ce que disaient les marchands de Paris en 177", en employant une uulrc forme. C’est le point de vue auquel se placent les antisémites d'Allemagne, d’Autriche-Hongrie, de Roumanie, qui laissent absolument de côté la question confessionnelle.