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LA FRANCE JUIVE
dent qu’il faut des hommes d’une habileté éprouvée pour se livrer à cet exercice; ils arrivent ainsi à déshonorer leur cause et à se faire mettre honteusement à la porte, ce qui ne les empêche pas de recommencer à la prochaine occasion. Les monarchistes de Versailles ont pris Decazes fils comme ceux de 1815 avaient pris Decazes père.
La justice, encore une fois, est la meilleure des politiques. Si les Bourbons, reconnaissants des services rendus, avaient constitué à leurs fidèles Bretons de petits üefs moitié militaires, moitié ruraux, que leurs possesseurs auraient eu intérêt à défendre, ils auraient trouvé là un centre stratégique pour réorganiser leur armée et marcher de nouveau sur Paris quand Lafayette, qu’ils avaient gorgé, les chassa encore une fois.
Les Juifs purent donc, sous la Restauration, poursuivre leur œuvre silencieuse. A la petite synagogue de la rue Saint-Avoie, dont on s’était contenté jusqu’en 1821, avait succédé le temple de la rue de la Victoire, un nom de rue dans lequel les Juifs se plaisent à voir un présage.
C’est en 1818, seulement, que la question sémitique revint devant les Chambres. Un courageux citoyen, le marquis de Lattier, réclama, dans une pétition, la prorogation des décrets de 1808 pour dix nouvelles années. La Chambre des Pairs prononça l’ordre du jour presque sans discussion. Lan- juinais, chose triste à dire pour une mémoire qui mérite par tant d'autres côtés d’être honorée, demanda la parole pour combattre la pétition. A la Chambre des députés, la pétition eut plus de succès. Un homme de cœur, M. Paillot de Loynes, conclut au renvoi de la pétition au ministère de la justice et de l’intérieur. Après une légère discussion, la Chambre des députés adopta ces conclusions et le renvoi fut prononcé ; mais des influences occultes empêchèrent qu’il fût donné suite à l’affaire.
Les Juifs, il convient de le reconnaître, montrèrent alors un grand esprit politique en faisant très peu parjer d’eux. 11 y eut là une période de réserve et de préparation.
Avecl’opiniâtreté de cette race, qui est une éternelle recommenceuse, les Juifs, nous l’avons dit, s’étaientinstallés à l’endroit même où ilsétaient quand on les avait chassés au Moyen Age, rue des Juifs; puis de là ils avaient rayonné dans les environs et occupé une partie du quartier Saint-Paul. De nouveaux arrivants, venus d’Allemagne et de Pologne, se groupèrent autour du Mont-de-Piété et autour du Temple, il s envahirent graduellement les paroisses Saint-Jean-Saint-François et les Blancs-Manteaux jusqu’à Saint-Merry, d’un côté, tandis que d’autres, franchissant la rue Saint- Antoine, s’établissaient sur la paroisse Saint-Gervais. Aujourd’hui la