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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

par la date, et qui semble déjà perdu dans le lointain des âges, vous navez quà relire les beaux discours dans lesquels les tripoteurs et les satisfaits daujcurdhui flétrissaient ces scandales, ces déchaînements dappétits, cette déification de la richesse, opposaient à ces corruptions laustère image de la future République qui réduirait les dépenses, proscri­rait le népotisme, respecterait le domicile de chacun !

Un livre dun grand écrivain, qui du moins, lui, est un honnête homme, les Manieurs dargent , résume ce mouvement, comme le livre de Toussenel avait résumé le mouvement du règne de Louis-Philippe.

Toussenel, cependant, avait eu le courage dindiquer le rôle prépon­dérant du Juif dans ces hontes. M. Oscar de Vallée a laissé ce point dans lombre. Le temps avait marché, en effet, et le Juif était devenu un adver­saire quon ne pouvait pas braver sans danger. Cette lacune, néanmoins, enlève à louvrage toute signification précise, et en fait une déclamation à la Sénèque plus quune étude prise sur le vif de la société française.

Malgré tout, cette première phase eut une allure pittoresque, un entrain endiablé. Le Juif du Midi nest pas éloigné de croire que lAryen a le droit de manger quelquefois ; il se frotte de lettres comme le Bordelais se frotte dail; il nest point incapable dapprécier un article de journal.

Le Constitutionnel, ce Voltaire de lépoque, le Pays, ce Paris de lKmpire, ouvrirent leurs caisses à des écrivains qui nétaient pas sans talent. Millaud fonda lHistoire, qui tomba avant lui, et le Petit Journal, qui survécut à son neveu Alphonse. Sans avoir les nobles allures des Fermiers généraux qui sappelaient Lavoisier ou Beaujon, qui créaient la chimie ou fondaient des hôpitaux, les traitants de lEmpire se plaisaient à la société des artistes ; ils furent même littérateurs à leurs heures : à Solar, qui faisait jouer Clairon et Clairette, Millaud ripostait en donnant au Palais-Royal Ma Nièce et mon Ours.

A quelques-uns, comme à Solar, la fortune était venue sans quils fissent grandchose pour la conquérir, en vertu de cette force secrète qui amène largent au Juif comme le fer à laimant. A certains jours, lauteur de Clai­ron et Clairette paraissait comme embarrassé de ses millions. Qui ne con­naît le mot mélancolique de ce millionnaire malgré lui ; « Paix et peu, telle a toujours été ma devise : jai toujours vécu dans le bruit, et jai fini par avoir trop. »

Français déjà à demi, avant la Révolution, les Juifs de Bordeaux sen­touraient de Français ; leurs convives sappelaient Dumas père, Ponsard, Albéric Second, Méry, Monselet.