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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

Bismarck, en voyant arriver Jules Favre à Versailles , avait sifflé lhal- lali. La Juive"ie cosmopolite, qui avait inspiré, commandité, mené, pro­longé la guerre, devait figurer dans le triomphe ; elle entra à Paris derrière les cuirassiers blancs. Un écrivain, que je ne connais pas, mais qui sait peindre, M. René de Lagrange, a fixé cette scène avec un accent de vérité incroyable, dans une étude publiée dans un coin du supplément du Figaro et qui, je laffirme aux historiens futurs, est une des rares pages exactes quon ait écrites sur les événements de 1870-1871 :

Ce ne fut pas larmée, écrit M. René de Lagrange*, que nous aper­çûmes en premier lieu, ce fut létat-major qui, évidemment, faisait loffice déclaireurs. Cette avant-garde arrivait au petit trot, jetant un œil inquiet à droite et à gauche, sur le maigre bandeau de spectateurs qui formait la haie des deux côtés. Les cavaliers qui composaient cette escorte - je les vois encore étaient presque tous des hommes de haute taille et de puis­sante stature, se tenant à cheval comme des écuyers de race. Ils portaient, pour la plupart, luniforme brillant des cuirassiers. Coiffés de casques dont le cimier portait des animaux chimériques, revêtus de cuirasses ornées darmoiries en relief ou décussons en métal, ces cavaliers étincelaient sous les premiers rayons dun soleil de mars.

La physionomie de ces soudards aristocratiques était en harmonie avec leurs mâles armures. Lensemble en était grandiose. Leurs cheveux dun blond roux, leurs moustaches fortement plantées et dun jet hardi, leur teint clair et rouge à la fois, leurs yeux bleu de ciel au rayon farouche rappelaient, à sy méprendre, le portrait de ces mêmes hommes, tracé autrefois par le burin de Tacite : Oculi cœruleiet truces,rulilæ comœ, magna, corpora. Il faut être juste, néanmoins, même avec ses adversaires, ces phy­sionomies avaient un grand caractère.

En voyant ces espèces de cavaliers géants, on eût dit ces Burgraves des bords du Rhin , contemporains de Barberousse, tels quon les voit sculptés sur la façade du château de Heidelberg ou dans les estampes dAlbert Durer . Tout ce groupe respirait lAllemagne féodale, lâge de fer, le règne de la force, le moyen âge militaire. Cette petite escorte, au milieu de laquelle on distinguait le roi de Prusse et M. de Bismarck, tout armée quelle fût, navançait quavec précaution, comme nous lavons dit. Entrer dans ce Paris , dans ce gouffre révolutionnaire à la suite d'un siège de cinq mois et demi, cela semblait peu rassurant. Cétait entrer dans le volcan. Avant de risquer larmée, létat-major tâtait le terrain, de peur, sans doute, que, malgré toutes les précautions prises, quelque mine chargée de dyna­mite ne vint à éclater sous les pas de larmée denvahissement. Cétait un roi, des princes, des généraux faisant, ce jour-, fonctions de uhlans.

Ce groupe militaire était immédiatement suivi dun autre groupe, mais civil, celui-. Le second groupe était, assurément, plus curieux encore que le premier. Derrière ces Centaures tout bardés de fer et étincelants dacier, savançaient, enfourchés sur leurs chevaux comme des pincettes, des pér­

il, Figaro du 28 février 1883.