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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LE J U 11 1 ' DANS LHISTOIRE DE FRANCE

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la misère, avaient accepté une petite place sous la Commune et barboté quelques sous dans les caisses les gens du 4 Septembre, tous pauvres avant, tous riches après, navaient pas laissé grandchose.

Pour les infortunés de cet ordre, ils étaient sans merci ; ils ne trou­vaient pas de tortures suffisantes pour les punir; ils les expédiaient au delà des mers, dans des espèces de cages, et regrettaient sans doute de ne pouvoir les envoyer tous au plateau de Satory.

Est-ce donc que le cœur des hommes de la droite fût cruel ou leur intel­ligence médiocre? Non. Seulement ils avaient le cerveau conformé dune certaine façon, ils voyaient comme cela, ils étaient imbus des préjugés les plus bourgeois. Un homme qui occupait une situation dans le monde, comme Jules Favre , pouvait tout se permettre, faire tuer des milliers de créatures humaines sans être jamais inquiété; lidée de fusiller un bâton­nier de lordre des avocats, un académicien, eût semblée sacrilège à ces gens polis, comme lidée de livrer au bourreau un cardinal, un porporato, l'eût paru aux souverains dautrefois.

Les meneurs de lAssemblée, dailleurs, avaient eu la soif du pouvoir, et, au contraire, navaient jamais eu faim; lambition leur semblait donc excusable dans ses plus abominables malfaisances, tandis que le malheu­reux qui avait pris un emploi pour manger leur paraissait digne de tous les châtiments, puisquils ne le comprenaient pas.

La notion de la réalité fut ce qui manqua surtout à ces hommes dune honnêteté indiscutable, mais dune expérience pratique nulle; qui, nétant ni illuminés par en haut, ni renseignés par en bas, devaient fatalement être vaincus par des hommes qui sortaient tout meurtris, tout vibrants, tout fumants, tout souillés parfois de la vie la plus réelle et la plus difficile.

Prenez le plus illustre de ces vaincus, le duc de Broglie. Que pouvait- il savoir du Paris moderne? Il navait probablement jamais mis les pieds ni dans un atelier, ni dans un café, ni dans un lupanar; il navait causé, les yeux dans les yeux, ni avec des ouvriers déraisonnant après leur journée faite, ni avec des agitateurs de carrefour, qui remuent la société en boulever­sant des dominos, ni avec des filles qui vivent et meurent de la corruption des villes. Il quittait sa maison pleine dexemples dignes dêtre imités, de glorieuses traditions, de sentiments élevés, pour aller en voiture vers un autre salon il retrouvait la même atmosphère; il nétait jamais sorti d'un monde lon parle et lon pense noblement, les faiblesses mêmes se voilent dapparences idéalistes, les passions sont rarement basses. En regardant en lui-même, il napercevait rien qui fût une dégra-