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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

dation de lhomme; il se voyait tout jeune, travaillant comme sil avait sa carrière à faire, obstinément fidèle, dans son optimisme généreux, à cer­taines idées libérales, ayant de lorgueil, sans doute, mais le bel orgueil des lettres, la louable ambition de rendre des services à son pays.

Évidemment, cet ancien président du Conseil aura été mêlé activement au mouvement d'un siècle le Juif a tout conduit, et conduit tout, sans avoir vu le Juif, sans deviner son rôle une minute, sans soupçonner ce que peut contenir de haine contre la vieille société française, contre laris­tocratie, contre le Christ, le cœur dun Juif allemand, dont les pères ont été pendus entre deux chiens. Si le Juif lui est apparu, ce nest guère que sous la forme dun baron déjà débarbouillé, fort honoré dêtre en pareille compagnie et sy tenant à peu près convenablement; il ne sest pas douté que celui qui venait de lappeler obséquieusement « mon cher duc » sou­doyait les insulteurs qui allaient criant par les rues : « Demandez la ban­queroute de lUnion générale, le suicide de M. Bontoux, larrestation du prince de Broglie ! »

Si on interrogeait sur la question juive l'ancien ministre des affaires étrangères, on retrouverait évidemment chez lui les théories tolérantes et larges que lord Macaulay, qui fut un orateur applaudi et un fin lettré comme le duc de Broglie, développait, en 1831, dans son Essai sur les inca­pacités politiques des Juifs.

Avec moins d'éloquence et de mérite, la plupart des membres de la droite vivaient comme le duc de Broglie, dans la même sphère irréelle. Je gage bien que le vicomte Otlienin dHaussonville, par exemple, ne savait pas, quand il était député, le quart de ce quil a appris en allant parcourir les garnis, les bouges et les bals publics, pour son beau livre de F Enfance à Paris .

Le premier qui soccupa sérieusement des questions ouvrières, au point de vue conservateur et chrétien, fut un soldat. Pourquoi? Parce que ce soldat avait vu la Commune de près; parce que le métier militaire, qui fait vivre au milieu de toutes les classes de la société rassemblées, met de suite un homme de la valeur du comte de Mun en face de la réalité, écarte les préjugés de léducation et les conventions de cénacle, constitue comme une admirable école dobservation pour des hommes qui sont organisés pour comprendre et pour penser.

Quoi quil en soit, les monarchistes de lAssemblée de Versailles ne profitèrent de leur situation que pour assumer l'odieux dune répression impitoyable que désiraient vivement, dans leur cœur, les futurs séides de Gambetta.