342
LA FRANCE JUIVE
Chez Trochu comme chez Mac-Mahon , les deux hommes qui, pour notre malheur, muèrent un rôle si considérable dans nos affaires, vous trouvez la même duplicité naïve. Quand le comte de Chambord descend à Versailles chez le comte de Vansay, le maréchal refuse de le recevoir; à l’envoyé du prince Impérial, au contraire, il répond qu’il est légitimiste ; il trahit tout le monde, il empêche tout par une sorte d’ambition personnelle très confuse qu’il n’ose s’avouer à lui-même. I/ambition est toujours ainsi chez le Celte, elle ne se détache pas en pleine lumière, en plein relief comme les objets dans le Midi, elle est indécise et lunaire comme un paysage d’Ossian .
Les Juifs, près du maréchal, agirent par le baron Sina, et les Castries. Le baron Sina, richissime Juif de Vienne , qui avait embrassé la religion grecque, avait donné une de ses filles à un Castries, l’autre au prince Ypsi- lanti, qui avait des droits assez sérieux à la couronne de Grèce . Le beau- père, quand il avait accepté ce gendre absolument ruiné d’ailleurs, se voyait déjà assis sur les marches du trône hellénique et faisant pour le pays un emprunt dont il réglerait lui-même le courtage. Soit que la perspective d’être gouvernés indirectement par un Juif,fùt-il baptisé, ne leur dît rien, soit qu’ils fussent contents du roi Georges, les Grecs ne montrèrent aucun enthousiasme pour les droits du prince Ypsilanti et le baron mourut sans avoir réalisé son rêve. Mais la famille hérita de l’idée. Gambetta eut l’adresse de persuader aux Sina qu’il ne demandait pas mieux que d’appuyer la candidature du prince Ypsilanti au trône de Grèce et ceux-ci, de leur côté, firent tout ce qu’ils purent pour empêcher Mac-Mahon , qui chaque année allait chasser chez eux, de s'opposer sérieusement à l’établissement d’une République juive en France .
Les innombrables négociations à propos de Dulcigno , les commerces bizarres avec les Kohkinos et les Tricoupis n’ont pas eu d’autres raisons d’être.
Le duc Decazes , associé à beaucoup d’affaires financières, était, lui aussi, sous la domination des Juifs. La mère de la duchesse Decazes , M me de Lowenthal, mariée au fils d’un banquier juif , avait été à Vienne l’âme damnée du baron de Hirsch*. On avait même annoncé les fiançailles de la fille du duc Decazes avec le jeune Lucien de Hirsch .
1. Voir la Société de Vienne, par le comte Paul Vasili.
On a souvent cité le mot attribué à Anne d’Autriche : « Vous m’en direz tant! » A l’heure présente, il n’est pas d’homme politique, même avec des sentiments chrétiens très sincères, qui soit invulnérable à cette terrible force de l’argent. On se défend longtemps, mais on finit par céder devant certaines sommes si considérables que les consciences en sont comme terrassées. Les plus fermes hésitent un moment, puis regardent ceux qui sont autour d’eux, comprennent la signification 4e certains regards muets et capitulent.