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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

Les masses semblent, ce jour-, avoir été désarmées par le dégoût. Cest dans ces heures nerveuses, tout le mouvement de la cité est sur le Forum; journalistes, compositeurs, mécaniciens, brocheuses, mar­chandes de journaux, causent pêle-mêle au milieu des imprimeries, que lon voit combien le peuple a conservé de beaux côtés. 11 a lintuition sou­daine des vraies responsabilités. Les ouvriers n'avaient pas lu le Times, qui constatait que cétaient les Rothschild qui sétaient chargés de lemprunt chinois et avaient fourni ainsi des armes contre nous. Spontanément, ce­pendant, des groupes se forment dès onze heures du matin, à langle de la rue Laffitte et de la rue Lafayette. On sindigne, on discute bruyamment, on crie: « Chez Rothschild! chez Rothschild! »

« Heureusement, dit le Gaulois, dautres personnes interviennent et dissuadent la foule de mettre ce projet à exécution. »

Sans partager lopinion du journal juif, il faut noter cette manifesta­tion presque instinctive qui est comme le cri de la conscience publique, un moment lucide, et que les journaux endorment bien vite.

Quel foyer de patriotisme existe encore chez ce peuple qui ne lit que des journaux lon déclare que la Patrie nest quun vain mot ! Comme ces prolétaires communient vraiment par la pensée avec nos infortunés soldats perdus à des milliers de lieues de la France, entourés de hordes innombrables, noyés dans des flots do barbares! De quelle voix poignante on interroge les journalistes quon simagine savoir quelque chose ! Je vois encore, avec ses taches de rousseur et ses yeux gris, bons et tristes, une humble ouvrière, un de ces êtres souffreteux, mal vêtus, battus par le mari, mangeant à peine pour donner leur part aux enfants. De quel accent plein dangoisse elle disait : « On a abandonné le trésor de larmée, quel malheurl Savez-vous au moins si lon a sauvé les drapeaux? »

Le trésor de larmée ! Quest-ce que cela pouvait lui faire à cette pauvre femme, qui avait peut-être quarante sous dans son porte-monnaie cras­seux pour passer la semaine, et notre cœur se serrait malgré tout, lorsquelle nous répétait.: « Savez-vous si lon a sauvé les drapeaux? »

Nous reconnaissions la plébéienne du siège qui, par lhiver rigoureux, claquant des dents, faisant la queue dès quatre heures du matin à la porte des boulangeries, et riant quand même sous la bise, raillait Bismarck et sécriait : « Comme il doit enrager de voir Paris se défendre comme cela! »

Les drapeaux! Ce quon appelle la haute société sen moquait pas mal. Une véritable fièvre de fêtes et de bals coïncida avec la nouvelle des mal­heurs qui frappaient la Patrie.