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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

na retenu, il ne cite que du Victor Hugo, parce que les vers de lauteur des Burgraces ont des sonorités de Chansons de gestes. Joignez à cela quelques fragments de pièces entendues, et vous aurez toute son éducation littéraire.

Qua-t-il besoin dun apport de seconde main? 11 bat monnaie comme ses ancêtres de la noblesse dépée ou de la noblesse de plume ; comme Joinville, comme de Retz, comme Saint-Simon, il a une langue à lui. Gomme les féodaux dautrefois, il sélance chaque matin de son journal ainsi que dun burg, frappe au hasard et revient.

Cest un inconscient, cest un sauvage, cest un damné, dirais-je, si un Chrétien avait le droit décrire, à propos dun de ses frères, ce mot qui semblerait douter de la miséricorde de Dieu; cest tout ce quon voudra de mauvais, de funeste, dirritant; mais ce nest pas un Juif *...

Pour le Juif, Rocliefort néprouve guère que le sentiment de répulsion presque physique du Moyen Age. Figurez-vous un Béni Israël quelconque happé sur une route et emmené dans quelque château fort pour y distraire dabord le maître, puis les varlets et les enfants des varlets. Cela vous donnera un aperçu de ce que devint le Juif Gambetta entre les mains de Rocliefort. Chaque matin, il servait à un divertissement nouveau : tantôt on lui tirait les cheveux, tantôt on lui arrachait la barbe ; un jour sa tôle était transformée en tête de Turc, et le lendemain le rédacteur en chef de l'Intran­sigeant essayait autre part la force de son pied.

Un autre que Gambetta aurait préféré un duel à mort à tous ces outrages : lui, endura tout, mais sans en être plus content.

De ceci, il souffrait relativement peu, quoiquil eût deffroyables fureurs, non pas au point de vue de lhonneur, auquel il était insensible, mais au point de vue du dommage causé. Mais cétait la domesticité quil fallait voir! Ce petit monde, de cabotins ou dusuriers, et conséquemment très respectueux, non de ce qui est digne de toutes les vénérations : la vertu, la gloire, le génie, mais de la situation acquise, de largent possédé, avait des colères blanches en pensant quun simple écrivain pouvait parler ainsi dun homme qui avait fait le coup de Bûne il Guelma.

Quant aux Chrétiens, aux Français autochthones, ils devraient avouer, sils étaient sincères, quils ont à ce mécréant de Rocliefort les seules

I. Quand, sur la proposition de Crémieux, les membres du gouvernement de la Défense nationale qui avaient déclaré « qu'ils étaient non à l'honneur, mais la peine » s'allouèrent une indemnité qui représentait cinquante mille francs par an, Henri Rocliefort refusa éner­giquement de toucher ce traitement. Il se refusa également a publier aucun journal pendant le siège pour ne pas agiter l'opinion et la détourner de la pensée de l'ennemi par des luttes intérieures.