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LA FRANCE JUIVE
dans ces parages, s’il allait mettre les cataractes du Nil en actions; mais on se lie vite en voyage, et l’Anglais causa avec Reinach : il ne lui cacha pas ce qu’il pensait de Disraidi et des autres gouvernants de son espèce qu’il appelait the mountebanks, les saltimbanques.
Le mot peint à merveille la classe d’hommes d’Etat, à laquelle appartiennent les Disraëli, les Gambetta, les Lasker, les Grémieux. La politique des Richelieu, des Colbert, des Bismarck est simple; la politique des Juifs a toujours l’air d’une représentation foraine; elle est à la fois romanesque et bassement cupide. On y trouve invariablement un grand étalage de principes pompeux de liberté, d’égalité, de fraternité, un programme de progrès qui n’est jamais tenu et qui laisse bien vite voir l’affaire pécuniaire, un boniment d’émancipation et d’amélioration qui se traduit toujours par la persécution la plus intolérable et l’extorsion de sommes d’argent. Banquiers et banquistes marchent ensemble.
Parmi ces mountebanks, Grémieux occupe cependant une place à part. Gambetta, avec sa faconde intarissable et ses allures de Mangin, ne fut guère qu’un personnage tout démonstratif chargé de faire la parade à la porte et d’exhiber des biceps en coton en battant la grosse caisse.
V’ià la peau d'âne qui ronfle ;
Entrez, bonnes d'enfants et soldats!
Les hommes grêlés ne paieront pas.
Grémieux, lui, était dans la baraque, ou, pour mieux dire, derrière la toile. Il fut l’impressario véritable de la comédie contemporaine en France. On est trop disposé à ne voir en lui que le fantoche en robe de chambre jaune qui, assis près d’un feu flambant, apparaissait de temps en temps devant les régiments défilant sous son balcon à Tours et à Bordeaux, et s’écriait : « Braves soldats, allez vous faire tuer ! L’exercice est bon en ce temps-ci; moi, je retourne me chauffer. » Les grelots du Polichinelle ont trop fait oublier Isaac Moïse, le dépositaire des sagesses d’Israël, digne de porter comme un ancien Gohene-Hagadol le miszenophet à voile blanc, le mehïl frangé d’écarlate et orné de clochettes d’or, et le hhoschen enrichi de douze pierres fines sur lesquelles les noms des tribus étaient gravés.
Sous ce grotesque, il y eut un Nazi juif, un prince de la Juiverie qui exerça l’influence la plus profonde sur l’évolution du peuple prédestiné, et mena de front, comme un premier ministre, la politique extérieure et la politique intérieure. Il y eut un homme d’un dévouement admirable qui, laissant à Gambetta la jouissance matérielle du pouvoir, l’assouvis-