Druckschrift 
La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
Entstehung
Seite
462
Einzelbild herunterladen

462

LA FRANCE JUIVE

Crémieux, en effet, avait une qualité maîtresse; on aurait pu lui appli­quer la parole de Bismarck : « La vraie politique, comme les alïaires privées, se fait autant avec la connaissance du caractère des gens quavec celle de leurs intérêts. » Il était convaincu quavec les Français on pouvait tout oser et quils subiraient tout docilement.

Un jour que je causais des décrets avec Dumas, il me dit simplement : « Les catholiques sont des lâches ! » Quelques jours après, mon collabo­rateur à la Liberté, Joseph Cohen, qui a publié deux ouvrages dune réelle valeur : les Déicides et les Pharisiens, me répétait : « Les catho­liques sont des lâches!... Si on avait voulu nous faire ce quon vous fait, nous nous serions tous couchés devant les chapelles, et la troupe naurait pas osé avancer. »

Les catholiques subissent tout. Ceux qui le peuvent sauvent leurs en­fants, mais ils laissent tranquillement dépraver les autres enfants, sous leurs yeux, sans oser même refuser largent qu'on leur demande pour cette œuvre néfaste.

Crémieux avait la claire notion de laffaiblissement de lénergie et de lintelligence nationales. Il était certain quavec quelques mots on peut jouer du Français actuel comme on veut. La confiance naïve queut le peuple dans cet homme est absolument inouïe. Au 2 Décembre, les ouvriers, persuadés que ce démocrate pour rire les aimait vraiment, vinrent le chercher pour le mettre à leur tête. Crémieux qui, avec Fould et tous les Juifs, était alors avec lEmpire, fut naturellement fort embar­rassé. Mais cest à M. de Maupas quil faiit emprunter le récit de cette anecdote piquante :

Dans la matinée du 2 Décembre 1 , je recevais la visite dune fort aimable femme dont le mari, avocat célèbre et montagnard par occasion, navait pas été arrêté. Cest contre cette omission que venait protester M mc G... « Je suis au désespoir, me dit-elle; ma maison est envahie par les plus sinistres ligures. Une nuée de bandits demande à mon mari de se mettre à la tête de la résistance, de provoquer une émeute; il leur prêche encore la patience, mais il sera forcé de céder à leurs obsessions; ils le mèneront aux barricades et le feront tuer. Il ny a quun moyen pour moi de retrouver un peu de tranquillité, de sauver les jours de mon mari, et ce moyen, vous seul en disposez, monsieur le préfet. » Et comme je semblais minterroger pour savoir à quel genre de service M mo C... voulait faire appel, elle ajoutait : « Oli ! cest bien simple, monsieur le préfet, faites-le arrêter. Je sais bien que vous ne lui ferez aucun mal, et ses abominables amis ne pourront au moins aller le chercher à Mazas. »

1. Mémoires sur le second Em/nre.