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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

navait aucun droit à modifier le régime de lAlgérie ; en semparant du pouvoir il avait eu, par un reste de pudeur, le soin de déclarer quil ne le prenait que pour une tâche déterminée. Lorsquil remaniait profondé­ment lorganisation algérienne, Grémieux commettait donc une usurpation dans une usurpation. Mais ces scrupules ne sont pas de ceux qui arrêtent un Juif, et Grémieux ne rendit pas moins de cinquame-deux décrets sur la colonie, en dehors, bien entendu, des nominations de fonctionnaires.

Crémieux ignorait-il davantage les troubles quil allait exciter dans une région tout nous commandait le maintien du statu quo, pour ne point affaiblir encore notre malheureux pays impuissant à résister à len­nemi qui le pressait de toutes parts? Il était, au contraire, admirablement in­formé de la situation, il connaissait lhostilité qui régnait entre les Arabes et les Juifs 1 ; il avait été maintes fois plaider en Algérie et il avait été témoin de rixes survenues entre Musulmans et Israélites, à propos des fêtes religieuses. En profitant dun pareil moment pour rendre le décret qui naturalisait les Juifs algériens, il trahissait done purement et sim­plement la France pour servir les intérêts de sa race.

En 1870, cette mesure avait un caractère particulièrement odieux. Les Arabes avaient fait héroïquement, leur devoir pendant la guerre. Ces « diables noirs, » comme les appelaient les Prussiens, qui bondissaient sous la mitraille, avaient émerveillé lennemi à Wissembourget à Wœrth, Albert Duruy, qui, pour, aller de suite au feu,:sétait engagé parmi;ces tirailleurs algériens, ma raconté maintes fois leffet presque fantastique quils produisaient avec leurs cris sauvages, leur joie en entendant parler la poudre, s leur façon de se mer en avant comme des tigres. Pour ce camarade, quils nommaient « le fils du vizir, » ces farouches avaient à à la fois du respect et de laffection. Quand, à Wissembourg, les tirailleurs dispersés, genoux à terre, dans les houblonnières, reçurent lordre de, tenir jusquau dernier moment pour protéger la retraite, Duruy baissa involon­tairement la tête sous la grêle de balles. Tout à coup, il sent une main de fer qui sabat sur son épaule : « As pas pour! As pas pour! lui crié un Turco en montrant, comme pour rire au danger, ses dents blanches qui brillaient sur son visage cuivré. . ,, ,j! ' 1 i

On ne se fût étonné quà de.mi si le gouvernement de la Défense natio­nale eût accordé quelque récompense éclatante à ces Arabes héroïques qui

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1. Cetle haine était telle que Mérimée, que je soupçonne d'avoir été un peu judaïsantet qui, en tous cas, navait jamais été baptisé, raconte dans ses Lettres à Panizzi , que pour animer les turcos contre les Autrichiens pendant la campagne dItalie, on navait eu quà leur dire que cétaient des Juifs quils avaient devant eux.