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sésh C’est par un fait d’armes digne des temps héroïques, dans un combat singulier qu’il avait gagné la croix d’officier, en tuant de sa propre main, au milieu de ses partisans, l’agitateur Bou Barghla.
Quand un officier français transmit au Bach-Aga le décret de Crémieux, il cracha dessus et le retourna à l’envoyeur en disant simplement : « Je n’obéirai jamais à un Juif! »
Cet homme qui avait toutes les générosités ne voulut pas attaquer la France aux prises avec l’Allemagne . Il attendit chevaleresquement que nous pussions disposer de toutes nos forces pour lutter. Ce fut alors qu’il renvoya sa décoration au général Augeraud et qu’en le remerciant courtoisement des égards qu’il lui avait témoignés, il lui adressa la déclaration de guerre qui se terminait par ces mots : « Si j’ai continué à servir la France , c’est parce qu’elle était en guerre avec la Prusse et que je n’ai pas voulu augmenter les difficultés de la situation. Aujourd’hui, la paix est faite et j’entends jouir de ma liberté. »
Mokrani tomba en héros; il se fit tuer, ne voulant ni servir la France déshonorée, ni combattre plus longtemps un pays qu’il avait aimé, un pays dont il avait été l’hôte dans les fêtes de Gompiègne et de Fontainebleau . Pour être plus sur de mourir, il quitta, lui, le cavalier sans rival, ce cheval qui peut-être, dans un élan désespéré, eut arraché son maître au péril. « C’était dans l’Oued-Zeloun; il rencontra nos zouaves qui couronnaient un mamelon; il pouvait passer; il attaqua;et comment? Il descendit de cheval, lui, le grand seigneur, et, à pied, à la tète de sa troupe hésitante, il gravit la côte et marcha en avant jusqu’à ce qu’une balle vienne le frapper au front. Il espérait que sa mort, annoncée par lui depuis plusieurs jours, mettrait fin à l’insurrection 1 2 . »
Sidi Mokrani, en tous cas, n’avait pas obéi à des Juifs. Parmi les offi-
1. Il prétendait, on le sait, descendre d'un Montmorency qui, surpris par une tempête, se serait fixé en Algérie ; et par plus d'un point la destinée de ce chef intrépide, victime des sentiments les plus élevés, et poussé comme malgré lui à une révolte contre laquelle son cxur protestait secrètement, rappelle le sort tragique du vaincu de Castelnaudary .
La presse juive , pour déshonorer Mokrani, a soutenu que c’était la situation embarrassée de ses affaires qui l'aurait poussé à la révolte. Rien n’est plus faux. Les dettes mêmes de Mokrani avaient l’origine la plus honorable. Lors de la terrible famine de 1867-1868, il avait, avec sa magnanimité habituelle, emprunté des sommes considérables pour donner du blé aux hommes de ses tribus. Le Maréchal Mac-Mahon lui avait engagé sa parole que s’il n’était pas remboursé aux échéances par ses débiteurs, la France lui payerait ce qu’il avait avancé pour un service public sur les centimes additionnels des tribus. Le gouvernement de de la Défense, qui gaspillait l'argent pour enrichir des fournisseurs comme Ferrand, refusa, naturellement, de faire honneur à l’engagement du Maréchal, et l’on dit au Bach-Agha : * Tire-toi de là comme tu pourras. »
2. Plaidoyer pour Bou-Mezrag devant la cour d’assises de Constantine (27 -avril 1873.)