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LA FRANCE JUIVE
.La naturalisation des Juifs est devenue un des textes de prédication
à l’aide desquels on a pu produire, entretenir et développer le mouvement insurrectionnel. Pour exalter le fanatisme religieux du peuple, les fauteurs de la révolte lui disaient : « Le Juif sera soldat, et il pourra combattre à côté d’un Musulman; le Juif fera partie des milices et il pourra appréhender au corps un Musulman. Les Juifs seront désormais les maîtres, et voilà la récompense de notre sang versé à flots pour la cause delà France , sur les champs de bataille de l’Europe ! »
Ces discours enflammaient les âmes : et lorsque, en effet, les Musulmans voyaient inscrire les Israélites sur les listes du jury, les autorités françaises en étaient réduites, pour apaiser leur fureur, à leur expliquer que les Juifs, toujours récusés par le ministère public ou par la défense, ne seraient, en définitive, jamais appelés à les juger. Les chefs musulmans ont donc prêché en quelque sorte la guerre sainte, et nous croyons pouvoir affirmer que le décret à abroger, étranger peut-être aux causes initiales de l’insurrection, a exercé une réelle et fatale influence sur son intensité et sa durée.
Le 21 août 1871, l’urgence fut demandée et obtenue.
Crémieux s’agita tellement qu'il empêcha la discussion de venir en temps utile. Ce fut alors que M. Lambrecht se vit obligé de proposer au Président de la République les décrets du 7-9 octobre 1871, qui se bornaient à faire disparaître du décret de naturalisation ce qu’il avait d’absolument anormal.
L’Assemblée nationale, disait M. Lambrecht dans son rapport au prési- sident, s’est séparée avant de statuer sur le projet de loi qui avait été présenté en vue de l’abrogation du décret du 24 octobre 1870 qui a conféré aux Israélites indigènes de l'Algérie les droits de citoyens français . Ce décret reste donc provisoirement en vigueur et doit recevoir son application lors des élections, qui auront lieu très prochainement, pour les conseils généraux et les conseils municipaux de la colonie, mais il importe de prévenir le retour des difficultés auxquelles cette application a donné lieu jusqu’ici en exigeant, de ceux qui prétendront à l’exercice des droits électoraux, la justification préalable de l’indigénat d’après les principes du droit civil français .
L’article 1 er du nouveau décret était ainsi conçu :
Le président delà République, sur la proposition du ministre de l’Intérieur et du gouverneur civil de l'Algérie , décrète :
Article premier : Provisoirement, et jusqu’à ce qu’il ait été statué par l’Assemblée nationale sur le maintien ou l’abrogation des décrets du 24 octobre 1870, seront considérés comme indigènes et à ce titre demeureront inscrits sur les listes électorales, s’ils remplissent d’ailleurs les conditions de capacité civile, les Israélites nés en Algérie avant l’occupation française ou nés depuis cette époque de parents établis en Algérie à l’époque où elle s’est produite.