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LA FRANCE JUIVE
Un homme d’esprit prétendait qu’il ne voulait plus lire en fait de journ ,ux que la Gazette de Hongrie. Je me contenterai fort hien, pour ma part, de la lecture du Bulletin de l’Alliance israélite, et je serais assurément l’homme le plus parfaitement informé de tout ce qui se passe dans le vaste univers.
VAlliance israélite traite d’égale à égale avec les puissances ; elle envoie des notes, des protestations, des ultimatum que les souverains reçoivent avec une docilité exemplaire. Nous avons montré à nos lecteurs, à propos de la question de la Roumanie, la politique extérieure que Grémieux avait fait accepter du gouvernement républicain. Sous le prétexte assurément bizarre, que la France, au temps où elie avait son bon sens et où elle comptait dans le monde, a été la seule nation de l’Europe qui ait extirpé complètement les Juifs de son sein, Grémieux prétendait que nous étions les pères, les champions, les tuteurs nés de tous les Israélites de la terre.
Gette thèse a fini par ne plus soulever de contradictions, et, dès qu’un Juif est emprisonné pour vol dans quelque coin de la planète, nos ambassadeurs, nos consuls, nos chanceliers, nos drogmans s’agitent, se remuent, trottent, rédigent des mémoires, formulent des protestations. Au zèle déployé on voit de suite quels sont les membres du corps diplomatique qui auront de l’avancement. Mellinet, ministre de France en Roumanie, puis en Perse, se multiplie à Téhéran ; Tissot se met en quatre au Maroc pour mériter d’être envoyé à Constantinople, puis en Angleterre; mais Roustan les surpasse tous à Tunis.
Il y a dix ans que j’ai prédit la guerre de Tunisie. Il suffisait de constater que les Juifs n’étaient pas heureux dans la Régence pour prévoir que nos pauvres soldats français iraient quelque jour mourir là-bas pour améliorer leur sort. Songez donc! Un Israélite, ouvrier en galons d’argents reçoit la bastonnade à Tunis pour avoir mis en gage quelques objets qu’on lui avait confiés ! Cela se peut-il supporter? Quelques Juifs sont expulsés comme l’ont été de simples congréganistes; VAlliance réclame à cor et à cri que l’Europe se lève pour punir un semblable crime :
D’effroyables récits nous arrivent d’outre-mer! Le fanatisme musulman s’est encore une fois déchaîné contre nos frères dans la régence de Tunis, et ils ont été victimes d’une terrible persécution. Après avoir subi tous les excès d’une inqualifiable barbarie, ils se sont vus, sur divers points de la Régence, dépouillés de tous leurs biens, chassés de leurs demeures, et ré' duits à chercher un refuge dans les villes de Tripoli et de Tunis. Leur malheur est immense; des populations entières sont dans le désespoir, et dans le dénùment, elles implorent le secours de leurs coreligionnaires.