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CRÉMIEUX ET L’ALLIANCE ISRAÉLITE UNIVERSELLE
Quelques-uns de nos agents poussent si loin la servilité envers les Juifs, au profit desquels ils rançonnent les gouvernements auprès desquels ils sont accrédités, qu’ils en étonnent même les journaux israélites. Nous lisons dans les Archives du 13 décembre 1883 :
A la suite d’insultes populaires contre un agent subalterne de la France au Maroc, notre ministre à la cour de Fez a exigé et obtenu une indemnité pécuniaire de 5.000 francs. Il est intéressant de constater que, sur cette somme, 500 francs ont été attribués à l’école israélite des garçons, et autant à l’école des filles. Nous nous demandons à quel titre notre culte a bénéficié de cette distribution, n'ayant été impliqué en rien dans l'affaire, et n’étant pas habitué à ces faveurs au Maroc !
Ordega comptait bien jouer les lioustan.
Au mois de mai 1884, nous le voyons déjà venir à Paris pour tâter le terrain, sonder les banquiers, amorcer l’affaire, faire parler de lui, dans les journaux juifs, comme d’un grand patriote. L’Elias Mussali de celui-là était un Juif de Tanger, qui est le vrai maître à la légation : Haim Ben- cbimol, que nous voyons figurer dans VAnnuaire du Suprême Conseil pour la France et ses dépendances : « N° 194. L’Union du Maroc, or. - , de Tanger (Maroc), Yénér. - . le F. - . Haim Benchimol à Tanger. »
L’opinion, cependant, s’étant montrée tout à fait hostile à une seconde campagne de Tunisie, Ordega, grâce à la protection de l’Alliance, fut, à la fin de 1884, envoyé comme ministre à Bukarest, où les Juifs tiennent à avoir un homme à eux 1 . Il montra là un zèle si inconsidéré qu’il devint impossible, au bout de quelques mois, et qu’on dut le remplacer par M. de Goutouly.
1. Comme la plupart des diplomates chargés aujourd'hui de représenter la France, cet Ordega se fait gloire de ne pas être d'origine française : il appartient, non pas à la Pologne héroïque et croyante pour laquelle tous les chrétiens forment des vceux, mais à la Pologne ralliée aux Juifs. Dans le discours qu’il a prononcé avant de quitter Tanger, et que nous ont transmis les Archives Israélites du 12 mars 1885, le nouveau ministre à Bukarest a eu soin de déclarer qu’il allait eu Roumanie pour y soutenir les intérêts juifs . « Si je nai pas pris une part plus active à la défense des Juifs ici, dit-il, cest que ma modeste action a été souvent contrariée et mal interprétée par d’autres agents consulaires. II aurait donc été impolitique à moi d’agir chaque fois que je n’avais pas d instructions directes de mon gouvernement. Mais vous pouvez être assurés que les Juifs de Demnan et ceux du Maroc, en général, n’auront pas de meilleur défenseur que moi, aussitôt que je pourrai me départir de la réserve que j’étais obligé d’observer dans les fonctions que je quitte.
« Dans le nouveau poste auquel je viens d’être appelé, je ne doute pas que mon initiative soit moins réservée. Les Israélites, en Roumanie, forment une Communauté considérable dont la condition n’est pas, en général, des meilleures. J’aurai, par conséquent, une plus grande liberté d’action, et mes sympathies pour les Juifs trouveront occasion de se manifester. »