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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

Nest-il pas encore dune délicatesse exquise ce fait que raconte Renan dans ses Souvenirs denfance et cle jeunesse? Après la Révolution, les demoi­selles nobles pensionnées à lhospice de Treguier mettaient, le soir, des chaises devant la porte et devisaient dans cette tranquillité dun jour finis­sant qui enveloppe les villes de province de je ne sais quelle poésie silen­cieuse. Quand elles voyaient arriver ceux qui sétaient enrichis à leurs dépens, elles ôtaient leurs chaises et se retiraient à lintérieur ou allaient prier à la chapelle, pour ne pas faire rougir ces richards, pour ne pas fairç éprouver un sentiment de honte à ces voleurs légaux.

On a cité cent fois ce mot imbécile et charmant de Charles X. au moment de signer une nomination à une recette générale :

Je dois prévenir Votre Majesté que cest le fils dun régicide :

-- On ne choisit pas son père.

11 est vrai que la place quil accordait au fils dun régicide, le roi laurait refusée au fils dun chouan qui serait mort pour sa cause. Loubli des services rendus, chez les Bourbons et chez tous ceux qui appartiennent à ce parti, a toujours été égal à loubli îles offenses. Dans ces têtes légères, rien ne laisse dimpression profonde, et la douceur native reprend vite le dessus. « Brillants oiseaux à lélégant plumage », dit le poète grec en parlant des Alcméonides.

Quest donc linoffensive Terreur blanche à côté de cette Terreur rouge , qui, daprès Berriat Saint-Prix, fit trente mille victimes?

En dehors de quelques personnalités éclatantes, commeMontalembert, le duc de Broglie, le comte de Mun, le cerveau de laristocrate est d'ordi­naire très faiblement organisé. Il y a plus dénergie intellectuelle, de volonté, de ténacité dans les desseins chez le dernier Juif de Gallicie, que dans tout le Jockey-Club. Sur tous les membres des grands cercles, vous nen trouveriez pas dix qui aient lu Joseph de Maistre ; tous les contremaîtres, la plupart des ouvriers de Paris , ont lu et étudié Karl Marx. Dans le loge­ment de ces jeunes artisans, qui nont pour sinstruire que la soirée après une journée de fatigue, vous trouverez un commencement de bibliothèque, des volumes lus, relus, annotés; la noblesse achète des livres, il est vrai, mais elle ne les lit presque jamais.

Cette absence de toute culture intellectuelle sérieuse enlève à laristo­cratie la notion de son rôle supérieur dans la société.

Toute aristocratie, a dit Blanc de Saint-Bonnet, qui laisse monter vers elle lesprit den bas est troublée par lalliage. Il ne faut pas quelle prenne du peuple et se fasse commune; il faut quelle donne delle au peuple et le fasse noble '.

I. I>e lu Restauration française.