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LA FRANCE JUIVE
Les tentures sont azur et argent, et, afin d’harmoniser les plafonds, la baronne, ne trouvant pas en France d’ouvriers compétents, a dû en amener de Bavière pour argenter tous les reliefs des moulures.
De vieux fauteuils en soie blonde fondent leur coloris très doux dans ces tons pâles. Mais la merveille, c’est la toilette toute recouverte de vieilles aubes d’Argentan , supportant un miroir dont le cadre en argent ciselé est un véritable joyau. Au-dessus de ce miroir, une glace de Venise est suspendue au mur, pareille à un bloc de pierreries. Le cadre de cette glace est une pièce unique, tout en cristal de rocbe, orné de guirlandes dont chaque grappe est formée d’améthystes, de grenats, de topazes et autres pierres incrustées dans le cristal.
Les chambres d’amis sont fort avenantes:
Le luxe de ces pièces est la fraîcheur qui est la grâce de la campagne. Dans chacune, un x»etit thé en argent ciselé ou en vermeil, de style et de ciselures différents, met un grain de faste élégant. Les draps de batiste, tous garnis de vieilles dentelles flamandes, floconnent sur la cretonne claire. C’est doux, c’est gai, cela enchante et cela retient.
Que ne ferait-on pas pour coucher dans des draps qui floconnent et qui retiennent? « Aussi est-ce une joie très enviée de compter parmi les invités de la baronne, et les séries se succèdent à Beauregard comme jadis à Compïègne . Parmi les plus assidus : la duchesse Decazes , la duchesse de Castries, la marquise de Beauvoir, la comtesse de la Ferronays; la marquise d’Hervey de saint-Denis , la comtesse de Chavagnac (aujourd’hui la comtesse de Pontevès), le marquis de Scépeaux, le comte de Béthune , le marquis de Fontenilles, la princesse Hohenlohe , la comtesse de Divonne , la marquise d'Aoust, le comte de Beust, etc., etc. »
Dans ces fêtes d’ostentation, le Juit encore se révèle. Toute la chasse est vendue d’avance à des marchands de comestibles; les hôtes du châtelain ne viennent guère faire là que le métier de tueurs, de garçons bouchers.
Autrefois, à Ferrières, quelqûes invités, désireux de rapporter à Paris les preuves de leurs exploits, éludaient la consigne et gardaient quelques pièces dans leur carnier. Le cas était prévu; guidé par un chien spécial admirablement dressé à cet usage, le baron James visitait les chambres pendant qu’on prenait le café et confisquait impitoyablement tout gibier indûment conservé.
Dans ces conditions, la chasse n’est plus qu’un massacre et Veuillot, le glorieux plébéien, avait bien raison lorsqu’il écrivait à sa sœur : « Je me prive soigneusement de la chasse ; l’enfant du peuple ne veut point de ce