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PAlliS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Rien n’est pins curieux que cette figure d'Humbert. Il apparaît comme une manière de Père Goriot ou de Monsieur Cardinal; mais sa Delphine de Nucingen, sa Pauline, c’est son fils; c’est à lui qu’il sacrifie tout.
Dès que la famille est mêlée aux affaires des Juifs, elle entre en plein roman, on commence à parler d’une succession en Espagne , qui atteint un chiffre fabuleux. Petit professeur de droit romain, à Toulouse , le père, à la connaissance de tous, ne possède aucune fortune; tout à coup ces gens-là remuent l’or comme dans un livre de Balzac. Un titre de quatre cent mille francs de rente est consigné au nom de M me Humbert jeune, qui ne sera mise en possession de sa fortune personnelle qu’à la mort d’une marraine qui se trouve dans une maison de santé. Outre d’immenses propriétés dans l’Aude , le fils Humbert achète en Seine-et-Marne une propriété royale, les Vives-Eaux . Pour achever de payer cette terre, il emprunte 750,000 francs à un notaire de l’Aude et 125,000 francs à Melun . Les 750,000 francs ne sont pas restitués à temps. Un procès, dont la presse rend compte, s’engage et l’on met aux enchères les Vives-Eaux , leur splendide mobilier, la cave (lui contient des vins de grands crus, Moét , Gliquot, Château-Yquem, Ghambertin, Saint-Emilion, les écuries avec douze chevaux de luxe, attelage à la Daumont, ducs, breacks, coupés, landaus, calèches. Au mois d’aodt 18S't, au moment ou M. Eugène Delize, huissier à Melun , va procéder à la vente, une dépêche de l’Aude arrive qui ordonne de surseoir.
N’est-ce point là un beau rêve pour cette famille de professeur qui rfa eu longtemps pour vivre que les maigres appointements du père ?
Ce qui confond l’imagination dans l’affaire de l’Union, c’est l’attitude des victimes elles mêmes.
On venait d’enlever à la noblesse française ce qui, pour elle, était jadis plus précieux que l’argent, plus précieux que la vie : l’honneur. Ce cher hésor, amassé pendant tant de générations, était jeté au ruisseau. Les plus beaux noms, les Broglie, les d’Harcourt, les Biencourt étaient couverts de boue, assimilés à ceux des aigrefins véreux qui défrayent la chronique des tribunaux.
Ce qu’on appelle le monde manifesta l’intention de ne plus revoir au Moins ces étrangers qui, pour augmenter leur monstrueuse fortune* n avaient pas hésité à déshonorer la vieille France . Pendant huit jours on tint parole. Les baronnes, épouvantées d’être mises ainsi en quarantaine, chassées de ce paradis où elles étalaient leur luxe insolent, se lamentaient
reprochaient à leurs maris d’avoir fait le coup. Pour tâter le terrain, elles