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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

ce regard, comme il arrive aux ouvriers qui brodent des étoffes dor ou dargent. »

Très rogue dans le monde, Alphonse a des instincts populaires; il aime à aller parcourir Paris en dissimulant sa royauté et en se faisant passer pour photographe près des petites lingères ou des fleuristes, avec lesquelles il cause volontiers.

Edmond est le classique marchand de lorgnettes, il a une barbe rous- sâtre et braque un lorgnon sur ses yeux avec un tic nerveux qui voudrait être impertinent : il a toujours lair fureteur de quelquun qui cherche quelque chose quil ne trouve pas.

Gustave, avec sa barbe châtaine poivre et sel, sa haute taille, aurait lair relativement distingué, sil savait marcher, entrer et sortir; il affecte dêtre encore plus sec que les autres membres de sa famille; sa femme est dune insupportable arrogance.

Tout ce monde est plus ou moins maussade et quinteux. Les uns ont la moelle épinière entamée ou un épanchement de la synovie, comme Edmond; les autres deviennent aveugles de bonne heure, comme Nathaniei quon promenait dans une petite voiture à travers ses appartements magni­fiques, dont le luxe nexistait plus pour lui. On les trouve mal élevés; ils sont surtout moroses, ressentant, comme la plupart des autres Juifs, au sein dune scandaleuse opulence, ce quon a appelé : « la grande misère de tout. >» Ils nont aucun stimulant, aucun mobile daction; ils ont voulu conquérir la France , ils lont conquise, et ils sentent quelle meurt sous leur souffle délétère, quils nont à eux quun cadavre.

Alphonse a de lesprit ou plutôt une sorte dhumour anglaise tournée à laigreur et à lironie qui, maintenue par le besoin de ménager la haute société quil méprise, sépanche parfois en saillies fantasques, en allusions désobligeantes et taquines. A ces brusques incartades, les convives rient jaune, les valets sesclaffent en dessous et le baron ajoute en gouaillant : « Voulez-vous du Romanée? ' »

1. Un souvenir dArsène Houssaye sur le général Fleury atteste combien ces parvenus ont peu de notion de la véritable politesse, de cette politesse qui vient naturellement dun cœur élevé. Un jour quArsène Houssaye avait à dîner le général Fleury, il donne la place dhonneur à l'ancien grand écuyer. « Oh! oh! sécrie Fleury, voilà à quoi je ne suis plus habitué. Il fut un temps le vieux Rothschild me donnait la place d'honneur, peut-être parce que mes vins nétaient pas plus mauvais que les siens. Après la guerre, je fus encore invité dans cette maison, mais on me mit au second rang, puis au troisième, puis au bout de la table. »

Un gentilhomme, je ne parle pas de ceux d'aujourd'hui, aurait exagéré, au con­traire, les égards envers un vaincu. Qui ne se rappelle Louis XIV mettant le feu à l'Europe pour assurer le droit de préséance à nos ambassadeurs sur les représentants de toutes