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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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On retrouvait au complet cette vieille garde de lélégance qui se compose toujours des mêmes personnes, toujours citées avec les mêmes épithètes dans les mêmes gazettes.

Qui ne se rappelle les vieilles de Lysistratra, ces amantes de la mort qui ressemblent « à des cercueils peints » et qui sen vont disant : « Cest donc pour rien que nous nous sommes fardées de céruse, parées de belles robes jaunes, et que nous sommes, folâtrant et chantonnant entre nos dents, pour attirer quelque passant? » Aristophane revient à la mémoire, devant ces beautés surannées qui furent à lapogée au moment du Congrès de Paris, quon trouvait déjà décrépites à la fin de lEmpire, et qui sobsti­nent à promener éternellement une figure qui ne change plus, qui semble avoir déjà limmobilité des choses mortuaires.

Cest dailleurs une des singularités de notre époque que ce bataillon immuable. Autrefois quand, selon lexpression du poète, « la course de la vie était à moitié faite, » on se décidait, non pas sans un gros soupir peut- être, à ce quon appelait la retraite; on quittait dignement cette scène du monde sur laquelle on a fait, jadis, aux heures radieuses de la jeunesse, un personnage parfois brillant. Aujourdhui, on ne peut pas se résoudre à disparaître, et certaines figures de mondaines, aperçues tout à coup sous une lumière trop crue, produisent leffet de ces squelettes que le Moyen Age se plaisait à représenter habillés de soie, couverts de bijoux, chargés dornements, grimaçant quelque horrible sourire avec des yeux vides, des lèvres parcheminées, des bouches sans dents.

A travers cette Priapéequéclairaientmille clartés se mêlant aux derniers feux dun soleil de juin qui se couchait sur lArc-de-Triomphe , allait et venait, au milieu des propos grivois, Judic, acclamée par tous les Juifs et guidant un petit âne que caressaient toutes les grandes dames, et qui sem­blait, comme lâne dor dApulée , sorti tout à coup dune fable milésienne. Sur un théâtre improvisé, le comte de Fitz-James jouait le Vitrier , et ce descendant dun compagnon des Stuarts proscrit, histrionnant dans ce jar­din étaient tombés sanglants au 10 Août les défenseurs des Bourbons, ajoutait par sa présence je ne sais quel piquant à cette fête singulière.

Aux grilles, la foule du Paris des dimanches regardait, criait, apos­trophait, hurlait, vociférait, sifflait. A la fin, elle pressa doucement sur la faible haie des gardiens de la paix qui essayait de la retenir, et elle entra. Alors ce fut une cohue affreuse, gens du monde et gens du peuple, gommeux en habit noir et ouvriers en blouse, grandes mondaines et plébéiennes roulèrent pêle-mêle le long des Tuileries en rhythmant leur descente sur un chant AEvohé.