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PARIS J U1K ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Ges chiffres pourtant si élevés, semblent de beaucoup inférieurs à la réalité au Matin qui a publié une étude complète sur les Cercles 1 :
Dans les grandes maisons de jeu, dit ce journal, la cagnotte rapporte réglementairement (nous laissons de côté le produit du vol des croupiers) en moyenne 6,000 francs par jour, et, dans les tripots de bas étage, le produit minimum de la recette quotidienne est de 1,000 francs. Nous pouvons donc, sans exagération, estimer à 2,000 francs par jour les sommes encaissées par les cagnottes dans les maisons de jeu depuis cinq ans. Gela fait, pour chacune d'elles, une recette de 730,000 francs par an ou de 3,650,000 francs pour les cinq ans.
Or, pendant cinq années, le nombre des tripots de Paris a été au moins de 24. Nous arrivons donc, rien que pour les cagnottes, au chiffre respectable de 87,600,000 francs.
Il faut ajouter à ce chiffre les bénéfices réalisés par les prêteurs et les croupiers, bénéfices qui atteignent parfois des proportions énormes, et que nous évaluerons à une moyenne de 100,000 francs par an et par tête, soit à raison de cinq de ces estimables fonctionnaires par tripot, 500,000 francs par an et par tripot ; 12 millions par an pour les 24 tripots et 60 millions pour les cinq ans.
Ajoutons encore une moyenne de 100,000 francs par an, pour les petits bénéfices de M. l’administrateur et de ses acolytes, soit 2,400,000 francs par an ou 12 millions pour les cinq ans.
Et nous arrivons au joli résultat suivant :
Prêteurs et croupiers.• . 60 . 000.000
Administrateurs et personnel. 12.000.000
Cent cinquante-neuf millions six cent mille francs dévorés depuis cinq ans par ces Vampires, à Paris seulement.
Et nous n’exagérons pas, au contraire; nous n’aurions que le choix pour appuyer, par des exemples probants, l’éloquence de ces chiffres.
De ces chiffres, il faut évidemment distraire les sommes considérables prélevées par le personnel de la Préfecture de Police qui, à tous les degrés, depuis le préfet jusqu’au dernier des agents, rançonne les maisons de jeu, et surtout les pots de vin donnés aux ministres et aux députés opportunistes 2 . Il n’en reste pas moins une somme énorme gaspillée, sans profit
1. Matin, 21 octobre 1884.
2. Les suicides qui se produisent chaque jour à la suite des pertes subies dans les Cercles, suicide de M. de Riencourt, suicide de M. Wlasoff, etc., sont, on le comprend, des occasions