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LA FRANCE JUIVE
— Quelle époque! quelle génération on nous prépare, ma chère madame X...! Alors on détache maintenant les traînes? i
— Oh! c’est parfaitement décidé...
— Ce sont ces pauvres âmes d’enfants que je plains... Avec un semis de roses, ce ne serait pas mal.
— Certainement, madame la comtesse, certainement...
— Les malheureux! ils enlèvent jusqu’au crucifix... Des pans restreints et pas de quilles!
Puis elle partit, toujours pleurant sur le malheur des temps et, sur le seuil, se ravisant, elle dit : Décidément, mettez des quilles !
La couturière pouffait, et il y avait de quoi; son rire, longtemps comprimé, retentit sonore quand la porte fut fermée.
— Avec ce qu’elle dépense en un an, fit-elle, elle sauverait toutes les âmes d’enfants de son quartier!
Tout ce monde est plein de chrétiens dans le genre de ceux dont parle Tertullien : Plerosque in venturn et si placuerit christianos; ce que Bossuet traduit : « Chrétiens en l’air, et fidèles, ai vous voulez. »
Ce qu’il y a de douleurs derrière ce luxe sans raison, absolument bête, est incroyable. Flaubert me disait un jour que c’était nous qui devrions être les médecins de certaines maladies morales, car il n’y a que nous qui les ayons étudiées. Il y a du vrai dans cette opinion. Ce qu’un Parisien sait sans avoir cherché à l’apprendre est inimaginable. Le hasard, à chaque instant, nous montre l’envers de ces existences si brillantes en apparence. Il existe, d’ailleurs, à Paris , cinq ou six prêteuses d’argent, avec lesquelles il suffit de causer une heure pour connaître à fond le secret de cette société. Hommes et femmes viennent là, écrivent des lettres invraisemblables d’humilité, traitent l’usurière de « chère amie », lui prodiguent les douces paroles.
Quelques femmes du monde louent un petit appartement, y font transporter sans bruit quelques vieux meubles du château, les portraits de famille, eux-mêmes essayent de les négocier. La mère et la fille sont d’accord parfois pour ce commerce. Souvent le mari, plus sensé, est resté au château; il vit là, loin du high life, entre une cuisinière sur le retour et quelques barriques de vin. On le fait venir, on s’efforce de le décider à vendre le domaine; il arrive, ilanqué de la servante pour ne pas faiblir, il résiste, et ce sage, qu’on traite d'être sans humanité, s’en va en disant : « Ne criez pas, ma chère, vous serez bien contente de retrouver cela. »
J’ai vu une famille de vieille noblesse envoyer chaque jour chercher,