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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE 595

tûmes du passé avec les sermons des orateurs sacrés du Moyen Age . Saint Bernard , saint Norbert, Vital de Mortain , Raoul Ardent , Hugues de Saint- Victor , Hildebert sont mieux informés des moindres détails de lexistence du xii*' siècle, quun chroniqueur daujourd'hui de ce qui se passe sur le boulevard. Pierre de Limoges a fait .dinnombrables discours sur les coif­fures. Etienne de Bourbon vous parle comme un couriériste mondain des robes du xm e siècle, des mi-parties, des entaillés ou languées, des rigotées ou des haligotées. Les Maillard,les Cléré, les Menot ont continué plus tard ces traditions, et Bourdaloue est, certes, aussi précieux pour létude de la Cour et de la Ville au temps de Louis XIV que La Bruyère et Molière .

Aujourdhui, les prédicateurs remontent en sens contraire le courant qui porte les écrivains vers une étude plus sincère et plus serrée des hommes et des choses de leur époque. Ils évitent les questions à lordre du jour, lactualité vivante; ils se contentent de défendre des dogmes que nul ne songe même à discuter parmi ceux qui fréquentent les églises. A écouter ce quils disent, il semble quils prêchent pour des gens qui sont morts depuis trois cents ans. Je nai entendu affirmer quune fois, avec éloquence, les devoirs des privilégiés de la fortune et flétrir les imbéciles excès du luxe, et cétait dans une église du quartier Mouffetard !

Les curés des paroisses riches ne veulent point quon parle chez eux des Cercles, des courses, des excentricités de toilette. Hommes de bonne compagnie pour la plupart, dune irréprochable conduite, ils sont reçus avec égards dans des maisons la chère est bonne, et cest la chaire chré­ tienne , à son tour, qui doit répondre par ses ménagements aux politesses dont ils ont été lobjet.

Ce qui est particulièrement curieux, cest que, nulle part, au milieu de ce gaspillage, vous napercevrez ce bel entrain, cette joyeuse insouciance du lendemam, scepticisme spirituel qui fait comprendre que certaines époques se soient ruées dans le plaisir en disant : Après nous, le déluge ! Ces dépenses folles, et que rien ne justifie, se concilient avec des affectations de sentiments religieux, des soupirs sur les persécutions, des lamentations sur les enfants quon prive de Dieu .

Ce contraste est une des choses qui étonnent le plus les Juifs, dont lesprit étroit a de la netteté et de la précision. Je me rappelle avoir en­tendu fortuitement la conversation quavait une dame, fort en vue dans les œuvres de charité, avec sa couturière qui essayait une robe. Cétait abraca­dabrant. La brave femme mêlait ses gémissements sur lécole athée à des recommandations insensées sur sa toilette.