PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
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Brave, non point seulement en duel, mais dans la rue, il l’a prouvé lors de la manifestation de la place Vendôme , M. de Pêne est resté, malgré une production incessante, un écrivain de race; parmi les milliers d’articles qu’il a improvisés, il n’en est pas un seul qui n’ait un trait, une phrase où se révèle l’artiste qui sait bien tenir une plume. A quoi cela lui a-t-il servi? Il est maintenant effacé derrière le petit circoncis qu’il a chaperonné dans le monde; il n’a pu arriver à garder un journal à lui.
Prenez, si vous voulez encore, Gornély. On l’a appelé « un enfant de cœur perverti. » Je ne crois pas que le mot soit juste, mais j’incline à croire qu’il a subi un peu, au moment du succès, ce vertige malsain, cette vapeur pestilentielle qui se dégage du boulevard, et qui est terrible, surtout pour ceux qui ont vécu en province. Je l’ai connu pauvre, digne de toutes les sympathies, dans cet intérieur vraiment charmant d’un jeune père de famille qui nourrit les siens de son travail. J’en puis parler en toute indépendance, car je n’ai jamais eu ni à m’en plaindre, ni à m’en louer. Il savait certainement que j’aurais eu plaisir à défendre mes idées chez lui, jamais il ne me l’a proposé; il s’est confiné un peu trop alors, à mon avis du moins, et au point de vue de l’œuvre qu’il dirigeait, dans un milieu un peu restreint et boulevardier.
Malgré tout, il n’en a pas moins réussi à créer, à faire lire, à faire vivre un journal d’avant-garde qui rendait d’immenses services au parti conservateur. Après avoir perdu deux mille abonnés d’un coup, en se ralliant au comte de Paris , le Clairon n’en comptait pas moins 5,375 abonnés ; au moment de sa disparition, il avait un tirage quotidien de 11,000 exemplaires.
La moindre aide aurait mis ce journal à flot. Gornély fit demander cette àide au comte de Paris . Celui-ci ne voulut meme pas recevoir la personne que lui envoyait le jeune écrivain qui, somme toute, combattait pour sa cause avec entrain, avec succès même.
Ne trouvez-vous pas affligeant l’abandon de cet être d’initiative, d’activité, de bonne volonté, par des gens qui ont plus de cent millions à eux?
Je n’ai pas à discuter si les princes d’Orléans ont été bien ou mal inspirés en réclamant, après la guerre,leurs bienl confisqués ; j’aime autant savoir cet argent dans leurs mains que le voir gaspiller par les républicains. Il n’en est pas moins certain que ces biens n’ont pas le caractère étroitement personnel d’une propriété léguée à ses enfants par quelqu’un qui s’est enrichi dans le commerce des laines et des huiles; ce sont des biens d’apanage accordés jadis à la famille du souverain pour soutenir son rang, entretenir un train princier, rehausser l’éclat de la royauté. Les