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LA FRANCE JUIVE
princes d’Orléans n’ont pas, en conscience, le droit de jouir exclusivement de cette fortune; ils ont l’obligation morale de l’employer au service de la France , de la consacrer à la propagande monarchique.
Personne probablement n’a osé dire cela au comte de Paris , apprendre à ce prince, qui est non seulement un honnête homme, mais un bon chrétien, que l’amour excessif des capitaux est un péché capital. La défense des intérêts religieux en France se trouve donc avoir pour organe, du moins dans un certain public, le journal d’un Juif et d’un Meyer '.
Le journaliste consciencieux et épris de son art est l’objet de la même haine que l’écrivain. La presse, elle aussi, s’est presque entièrement transformée depuis quelques années; pour comprendre les conditions nouvelles dans lesquelles elle est placée, il convient tout d’abord de séparer le journalisme du journaliste, la besogne faite de celui qui la fait.
Rien n’est plus absolument probe, plus complètement désintéressé que le journaliste d’origine française et chrétienne , et ceci, sans acception d’opinion. Il dispose d’un moyen d’action formidable, il blesse ou caresse ii son gré la vanité de chacun, à une époque où ce sentiment a pris des proportions presque morbides; et jamais la tentation ne l’effleure de retirer un bénéfice quelconque des éloges qu’il accorde.
Sous ce rapport, il n’y a pas de doute. Jamais même on n’a eu l’impertinence de promettre un cadeau à un critique dramatique, à un critique de livres ou à un critique d’art pour parler favorablement d’une pièce, d’un ouvrage, d’un tableau. Sont-ils donc d’une impartialité absolue? Non. N’attachant malheureusement qu’une importance secondaire à ce qu’ils écrivent, ils sont accessibles à la camaraderie, à la flatterie, à la démarche personnelle faite près d’eux; ils décernent l’épithète d’« éminent » ou de « sympathique, » comme s’il s’agissait d’une simple croix du Mérite agricole. Tel, qui repousserait avec indignation une somme d’argent, ne résistera pas à un sourire de femme, à un mot gracieux, à l’insistance même d’un inconnu qui semble attacher un prix exceptionnel à ce qu’on dira de lui. L’esprit de parti, d’ailleurs, enlève presque au journaliste le droit d’avoir une opinion. Si les conservateurs ne se soutiennent qu’assez faiblement, tout ce qui vient d'un républicain est admirable pour les siens.
On n’agit plus même sur les journalistes par les dîners, comme sous
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1. En Hongrie , du reste, quelques journaux catholiques, comme la .S emaine religieuse et le Calholicwt Galnd, sont également dirigés par des Juifs.