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LA FRANCE JUIVE
Un Iiommj, dans ia situation de M. Christophle, n'a pu évidemment affirmer un acte de chantage si grave à la tribune sans en avoir dix fois la preuve.
Le fait n'est donc pas douteux; mais ce qui est mille fois plus intéressant au point de vue de notre étude que le fait lui-même, c’est la terreur qu’inspire cet homme. Il suffisait à Mayer de traiter le plus honnête magistrat de faussaire et de voleur pour que le malheureux fût immédiatement sacrifié par Martin-Feuillée, le docile exécuteur des ordres de la Lanterne. Au mois de décembre 1883, M. Denormandie a reproché cette servilité au garde des sceaux qui n’a rien trouvé à répondre :
Pour la cour d’Angers, disait M. Denormandie, la Lanterne du 21 août signalait un magistrat du nom de Maury comme devant être révoqué. Et il le fut quelques jours après.
Le 29 août, le môme journal contenait ces mots : « Allons, vite un coup de balai. » Le 6 octobre, les trois magistrats signalés étaient balayés.
Pour Mont-de-Marsan , c’est encore le journal la Lanterne qui dénonce le président de ce tribunal, M. Tourné, comme faussaire et indigne de présider plus longtemps.
Naturellement, sa révocation ne se lit pas attendre.
Mais cela ne suffit pas au journal qui, dans un nouvel article, déclara que tous les juges de ce tribunal étaient des faussaires, et qu’il fallait les faire descendre de sièges dont ils n’étaient point dignes. Il publiait leurs noms avec des commentaires d’une extrême violence : et peu de jours après, ils furent révoqués.
M. Denormandie continue ses citations en parlant de ce qui s’est passé pour la cour de Pau , pour le tribunal de Vannes , et celui de Dax .
« Allons, insistait le journal que j’ai cité, allons, monsieur le garde des sceaux, il faut venir à Clermont et y donner le coup de balai que vous avez donné à Mont-de-Marsan et Pau ! »
M. Denormandie eût pu ajouter qu’en dressant ces listes de proscription Mayer vengeait des injures toutes personnelles, car les siens et lui avaient eu un peu affaire à la magistrature de tous les pays. Il avait particulièrement sur le cœur le jugement du tribunal de Valenciennes, du 20 août 1879, qui avait sévèrement qualifié les moyens dont Mayer s’était servi dans un de ses journaux, la Réforme financière , pour lancer une entreprise véreuse: la Société céramique du Nord. Le tribunal avait constaté que la Réforme financière avait affirmé que l’usine était libre de toutes charges, dettes et hypothèques, alors que son prix n’avait pas même été payé, et déclaré « que le préjudice causé résulte non des faits eux-mêmes, mais de la publicité qui leur a été donnée dans un but intéressé et coupable ; »