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PAR’IS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Rapaport, disent les Nouvelles de Paris à la date du 14 décembre, était originaire de la Pologne russe, Israélite de religion... En 1862, un ami commun l’avait présenté à une ravissante jeune fille, Juive comme lui... apparentée à plusieurs musiciens... nature trop artiste et trop délicate pour ce demi-sauvage... Il l’épousa pourtant et en eut deux enfants. Mais, un jour, sa femme, lasse de son prosaïsme, l’abandonna pour suivre un jeune homme... qu’elle quitta pour un autre... si bien qu’elle se trouve, aujourd’hui, l’amie intime d’un de nos confrères, et que, récemment à VOdéon, elle a — bien malgré elle, du reste — joué un rôle dans la scène de violence qui interrompit la première du Mariage d’André.
L’opinion la plus répandue dans le quartier était que Rapaport avait été assassiné par un individu au type sémitique, qu’on avait vu s’enfuir précipitamment quelques moments après le crime, et que la jeune fille avait été frappée en essayant de défendre son père. Si, comme le prétend la Lanterne , elle eût été poignardée pendant son sommeil, on ne comprendrait pas qu’elle eût poussé, à la fenêtre, les cris qui, la Lanterne le reconnaît elle-même, ont donné l’éveil. D’ailleurs, au dire des voisins, M 11 ’ Rapaport était habillée quand elle apparut une minute à la fenêtre, ce qui tendrait à démontrer qu’elle n’a pas été égorgée dans son lit.
D’après la conviction générale, l’active intervention d’un magistrat juif aurait arrêté l’enquête au moment où elle allait aboutir. Ce qui est certain, c’est que l’autopsie vivement réclamée par tout le monde ne fut pas faite ; un rabbin vint prendre le corps de Rapaport qui, victime ou coupable, s’en alla sans aucun cortège au cimetière israélite. Cependant Y Affaire de la rue Morgue n’a pas encore trouvé d’Edgar Poë pour la raconter, ni de Dupin pour l’expliquer.
Imaginez un Chrétien traînant après lui tous ces souvenirs, mêlé à tous ces drames, éclaboussé de tout ce sang, sa vie en sera tout assombrie ; il sera en proie à une insurmontable mélancolie, il s’efforcera de ne point se mettre en évidence. Le Juif est là-dedans comme un poisson dans l’eau; il frétille, il est heureux ; cette atmosphère de trouble perpétuel est son naturel élément ; il s’attaque de préférence aux institutions qui sembleraient devoir lui inspirer une crainte salutaire; Rappelle nos officiers « des cléri- cafards, des Pierrots d’église, des Polichinelles de sacristie *. »
En réalité, cet homme est très brave, ne vous y trompez pas, malgré son insurmontable aversion pour les jeux de l’épée. En un temps où l’on no vit que par le cerveau, il a l’audace qu’il faut, la hardiesse du cerveau.
I. Lanterne, numéros de mai 1883, passim.