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LA FRANCE JUIVE
Bastien-Lepage a peint ce mélange de batracien et d’anthropopithèque et le portrait a paru ressemblant. Chacun, en effet, a entrevu, un jour ou l’autre sur le boulevard, cette créature bizarre qui fait songer à ces grosses personnes que l’on aperçoit dans certaines maisons avec des bonnets à' fleurs sur des têtes difformes, des seins ballants dans des camisoles sales, et une solennité véritablement comique dans l’accomplissement de leur mission. De ces matrones étranges, Simia a le sourire engageant et sinistre; il a d’elles aussi la façon prudhommesque de parler de la bonne tenue de la maison des lettres en discutant les questions malpropres qui l’attirent de préférence.
Il nous faut faire avec la plume ce que Bastien-Lesage a fait avec le pinceau. Cet ouvrage, effectivement, ne serait pas complet, si Wolff n’y figurait pas. Nous avons pour guide, d’ailleurs, une des productions les plus caractéristiques-de ce temps, le monument élevé par un jeune Juif littéraire à ce Juif arrivé : Albert Wolff, histoire d’un chroniqueur parisien, par Gustave Toudouze .
Comme beaucoup de ses congénères de la presse, Wolff vit le jour à Cologne , et ce n’est qu’en 1857 que ce uhlan du journalisme daigna venir manger notre pain en préparant notre invasion. Kugelmann le fit entrer au Figaro ; il y brilla rapidement. Ce qu’on appelle « l'esprit parisien, » je l’ai expliqué déjà, est une chose artificiellement créée par les Juifs, et il est naturel que ceux qui forgent cet argot soient ceux qui le parlent le mieux.
En ce temps-là, Wolff n’était pas cher. Pour cinq louis prêtés, il vous accablait de mille compliments; il est vrai que, lorsqu’il s’agissait de rendre, il vous couvrait d'invectives.
Un pauvre homme, nommé Guinon, qui manquait de philosophiedevant les injures, porta son cas devant les tribunaux. Gambetta, qui plaidait pour son coreligionnaire, attesta les dieux tout-puissants que jamais on n’avait compris si bien que Wolff la dignité de la presse.
■Les juges qui, en ces jours arriérés, avaient encore des préjugés, ne furent pas de cet avis, et le vendredi 29 décembre 1805 le tribunal de police correctionnelle rendit cet arrêt qui est un des beaux fleurons de cette existence que Wolff appelle volontiers : « Toute une vie d’honneur et de probité » :
Attendu que le journal le Figaro a publié, dans son numéro du jeudi 22 novembre dernier, un article ayant pour titre : A travers Paris , commençant par ces mots : « Le monde des lettres » et finissant par ceux-ci : « m’a remis trente-cinq fauteuils d’orchestre, » signé Albert Wolff ;