révolutionnaires défendent le cadavre des leurs, quels qu’ils soient. Les conservateurs ne se contentent pas de ne pas défendre; ils piétinent, et iis crachent sur ceux qui sont tombés.
On ne peut se figurer ce qu’est, dans de telles conditions, la lutte d’un homme isolé contre toute une nation. Voyez VAnti-Sémitique. La librairie Hachette, qui a le monopole des gares, refuse de se charger de ses numéros ; la poste égare ses exemplaires; il loue un bureau àParis, 7, rue de Provence ; un Juif allemand, gros locataire, lui fait donner congé; il dépose ses collections chez un marchand, on fait vendre le marchand par autorité de justice, et, au mépris de tout droit, on comprend, dans la vente, des collections du journal qui sont là simplement en dépôt.
A un moment donné, le malheureux ainsi traqué ne sait plus distinguer ses amis de ses ennemis; il insulte les uns, il se confie dans les autres. Alors la maladie qu’on appelle le délire de la persécution se greffe fout naturellement sur la notion très lucide, très exacte, très raisonnable, d’une persécution très réellement subie. Le médecin juif et franc-maçon, qui se trouve à point, embrouille tout et diffame le moribond, en prétendant qu'il avait perdu la raison parce qu’il buvait.
Parfois même, sans que le Juif s’en mêle, un sensibilisé, frère de celui que vous avez rencontré tout à l’heure, agit seul.
— Ah! quel bandit que ce Marchai ! Quand on pense quel homme il a eu l’audace d’injurier!
— Cet homme était un faible, sans doute, un pacifique; il avait respecté tout le monde; mal organisé pour la lutte, il n’était pas de taille à se défendre.
— Oui, monsieur, c’est bien cela...
— Et quel est le nom de cette gémissante tourterelle sans force contre les serres d’un vautour affreux ?
— M. Henri Rocliefort!
Chez les deux sensibilisés, l’imbécillité est une infirmité physiologique; ils éprouvent, dans l’appareil émotionnel, le trouble que d’autres éprouvent dans l’appareil locomoteur. Le premier, au lieu de s’attendrir sur les Français ruinés à la Bourse par les Rothschild , parle, au contraire, avec admiration grotesque, des possesseurs de cette immense fortune. Le second, au lieu de plaindre l’écrivain, qui a entamé une lutte inégale contre un adversaire mille fois mieux armé que lui, s’indigne même qu’on ait osé s’attaquer au terrible pamphlétaire, qui a passé sa vie à attaquer les autres, qui a renversé, par le sarcasme, un Empereur et un Dictateur.
'fous deux sont des dépravés du sentiment, accentuant encore la note