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LA FRANCE JUIVE
M Me Nevada , comme la Krauss, l’avantage d’être étrangère en un temps où toute Française est mise sévèrement à l’index. Je me rappelle encore la mélancolie avec laquelle une jeune fille, que des revers de famille avaient forcée d’entrer au théâtre, me répondait un jour que je lui parlais de son avenir : « Ohl je n’arriverai à rien, je suis Française . »
Naturellement, du moment que Yan Zandt dînait chez les Rothschild , elle ne pouvait rien avoir de comparable aux Lucindes d'amour, aux douces Isabelles d’antan avec lesquelles le rire était permis. C’était une créature en quelque sorte surnaturelle, Miss Fauvette, M Ue Bengali. Sa vénérable mère n’était pas oubliée dans les papiers imprimés; on nous la montrait assise à la droite de la baronne, et on semblait nous dire : « Vous n’avez pas de mères comme cela en France , il faut les faire venir de l’étranger '. »
La surprise fut donc violente quand, à la première du Barbier, M 1U Van Zandt se révéla à la foule assemblée sous un jour tout à fait inattendu.
Mes lecteurs me connaissent déjà assez pour savoir que je suis de race trop française pour partager la pose grotesque de ce Tout Paris qui parle du théâtre comme d’une église, qui lait de la solennité à propos de tréteaux. Dût le boulevard m’accuser de manquer de sens moral, j’avoue franchement qu’une comédienne, qui a bu un verre de champagne de trop, et qui se présente avec sa coiffure un peu de travers, n’a rien qui me choque outre mesure. M"' Laguerre amusa fort un auditoire, qui n’était pas uniquement composé de rastaquouères comme aujourd’hui, lorsqu’au lieu de jouer l’Iphigénie en Tauride , elle joua, selon le mot de Sophie Arnould , l’Iphigénie en Champagne . J’aurais bien voulu être là, lorsque Frédérâck, devant toute une salle hurlante, s’avança devant le trou du souffleur, retira sa perruque avec un geste royal, et gravement se moucha dedans...
Il paraît cependant que, ce soir-là, le plumet de Miss Van Zandt était de tàille et véritablement excessif pour une scène subventionnée. Ce bon
repas d’apparat que donna, au mois de février 1885, Alfred de Rothschild , de Londres , a Maver l’impressario, à M” 1 ® Hading, et à Koning. Vous voyez d'ici le petit Koning, le Koning du Diogène et de Castehano, Ribi le Juif, assis à côté d’un colonel de horse guards, qui fait admirablement dans le décor. « M. Damala, ajoute le correspondant du Figaro , ne pouvait manquer à la fête; il était assis entre sir Rivers Wilson et le capitaine Finch. »
t. Un habitué du salon de la princesse lirancovan me racontait que, lorsque Van Zandt était là, les invités se gênaient, s'observaient, et n’osaient pas dire devant ce lis de candeur ce qu’ils auraient dit devant des femmes de leur monde. Quelque insignifiant qu’il soit, ce détail montre bien le côté gobenr, niais, de cette société que les Juifs bernent, comme on bernait autrefois les provinciaux, en leur faisant croire qu’il fallait mettre des gants blancs pour parler à la dame qui tenait le café des Mille-Colonnes.