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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE

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vivant de Gouzien, commissaire du gouvernement près les théâtres, nen avait jamais contemplé un plus considérable depuis le jour lon avait baisser le rideau sur un sociétaire à la Comédie-Française, cet autre sanc­tuaire dont les journaux ne parlent quen se signant par respect.

Ce qui est ravissant, cest de voir avec quelle habileté on opéra le sau­vetage. Depuis Rouvier, jamais rien navait été si complètement réussi. Dès laube, Arthur Meyer , Blowitz, le médecin juif Lowe tiennent conseil rue Christophe-Colomb. Heilbronn proteste. Garvalho, connaisseur en ces questions, car il passe pour profès en lordre des Côteaux, déclare que rien ne grise comme leau de fleur doranger. Lowe affirme que cest le phos­phore qui a ainsi allumé la malheureuse.

Quelques mois après, la divette se représentait de nouveau devant le public. Jadis ces rentrées- sopéraient gentiment, à la bonne enfant. Sans tomber dans les exagérations actuelles, on admettait que certains égards étaient dus aux spectateurs. Comme cela se pratique encore en province, lacteur ou lactrice en faute était obligé de faire des excuses. Généralement, Frédérick trouvait encore loccasion de se livrer à quelque fantaisie énorme. Parfois le tumulte recommençait; puis tout se terminait par un tonnerre dapplaudissements devant quelque beau geste dans lequel notre grand public français dalors avait reconnu un maître de lart. Dautres, comme Déjazet, commençaient, disaient : « Mesdames et Messieurs, » et ne finissaient pas... Au premier sourire de la Parisienne, aux premiers accents de cette voix si chantante et si frêle, le public avait retrouvé Frétillon et lui envoyait son pardon dans des battements de mains.

Cela ne pouvait pas se passer ainsi pour une protégée de M. de Roths­child. Cétait le public qui devait faire des excuses. Il en fit : Carvalbo se permit dinterdire à la foule laccès dun théâtre qui ne vivait que de la subvention de lÉtat, cest-à-dire de largent de tous. Toutes les Améri­caines de Paris envahirent la salle avec leur bruit de cacatoès, leur teint aux couleurs dun rosé équivoque, leur outrecuidante prétention dimposer leur volonté.

A vrai dire, ces précautions nétaient pas nécessaires. Lâche comme toujours, le Tout Paris était prêt à obéir au mot dordre des Juifs et à fêter lactrice qui lavait insulté.

La rue sen mêla. Cet être anonyme, qui se trompe si souvent, eut, cette fois encore, plus de cœur que lélite, et carrément vint siffler sur la place. Ce gouvernement sans nom qui, sans tenter un effort, avait laissé outrager dans sa chaire le successeur de Cousin, le philosophe éloquent, l'écri­vain respecté, fit pour une cabotine qui sétait honteusement grisée, ce