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LA FRANCE JUIVE
La première arriva. Dans cette salle des Français , il y avait des veuves, des sœurs, des maîtresses aussi d’officiers tombés sous les murs de Metz . Pas une ne protesta, pas une seule Française n’eut le courage, devant la pusillanimité des hommes, de se lever et de siffler ces insulteurs de la mort. Tout ce beau monde attendait impatiemment que Rothschild daignât donner son avis. Quand rabbi David parut, ce fut un applaudissement unanime. Tous les Juifs rayonnaient. Songez donc un rabbin paraissant pour la première fois sur la scène française , et y paraissant naturellement comme le modèle de toutes les vertus !
Longtemps à l’avance, les Archives israélites avaient tambouriné la bonne nouvelle : a Le Théâtre-Français de Paris , la première scène du monde, disaient-elles, verra probablement une véritable solennité dramatique. On y donnera dans les premiers jours de décembre l'Ami Fritz, de MM. Erckmann-Ohatrian, dont il a été tant parlé à l’avance. Un des moindres attraits de cette pièce ne sera pas la présence d’un rabbin sur la scène. Un des principaux personnages est reb David, type réel que les écrivains ont sans doute idéalisé, et dont l’original n’est autre, dit-on, que le prédécesseur même du grand rabbin Isidor à Phalsbourg . »
Encouragés par l’immense succès que leur fit la presse juive , les Erck- mann-Ghatrian imaginèrent de faire chanter en charge, au commencement des Rantzau, le Kyrie eleison . Qu’il est touchant cet appel suppliant et doux qu’on répète avec une sorte d’insistance plaintive, au début de la messe, comme pour attirer l’attention de Dieu sur les fidèles rassemblés! Chateaubriand, en l’entendant chanter dans un monastère du mont Athos , fut ému jusqu’aux larmes, et Brizeux a dit la poésie qu’il prenait dans les petites églises de Bretagne :
Les femmes doucement envoyaient pour répons A i’Eleison grec les cantiques bretons.
Quand furent ânonnôes les notes de cette Eleison , il y eut des transports de joie dans ce public du mardi, vous savez, ce fameux public du mardi qui sert de réunion à l’aristocratie, et qui semble aux journaux conservateurs comme la résurrection de la vieille France . Ils étaient là battant des mains pour faire plaisir aux Juifs qui regardaient.
Combien j’estime davantage les Juifs de Breslau ! En 1876, on chanta dans les cafés-concerts une parodie du Lecho dodi, la belle mélopée que