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LA FRANCE JUIVE
agrandis par le henné, aux joues fardées, ne semblent-ils pas être un seul et même être? Ces clowns titrés ne sont-ils pas une incarnation nouvelle des patriciens dégénérés de Juvénal , du Damasippus qui déclame sur la scène le Spectre de Catulle , du Lentulus qui se loue pour jouer le rôle de Laureolus, ou du Gracchus indigne qui descend dans l’arène, portant
Le riche galerus où flotte un réseau d’or.
Un souvenir des civilisations disparues vous obsède à chaque instant dans ce Paris colossal.
En 18(17, quand l’Empire, condamné déjà, avait l’air d’une bacchanale montée à son paroxysme,au milieu decette Babel de l’Exposition universelle , où l'on entendait retentir en toutes les langues ce que Bossuet appelle superbement « le hennissement de la luxure, » deux passants se rencontrèrent dansce promenoir où les peuples semblaient s’être donné rendez-vous pour une orgie cosmopolite. L’un était Henri Lasserre , l’autre Ernest Ilello, un homme de génie, qui aura traversé ce siècle sans que ce siècle l’ait aperçu.
— Une chose m’étonne, dit l’auteur de l’Homme au futur auteur de Notre-Dame de Lourdes , je viens de regarder du côté des Tuileries , ils ne brûlent pas encore...
On éprouve un sentiment analogue, et l’on se demande comment tient encore cette société où l’égoïsme, la vanité sotte, l’amour du plaisir, l’absence de tout sentiment de dévouement, de toute pensée de sacrifice, de tout instinct même de conservation sont en haut, où la haine et l’envie sont en bas.
L’identité d’impression s’arrête là. Paris n’a plus l’aspect joyeux, l’air deconfiance, la puissance ensorcelante qu’il avait à la fin de l’Empire. Malgré l’effort qu’il fait pour se démener, il exhale une odeur cadavéreuse. Le cœur est comme envahi par une insurmontable tristesse et plus d'un de nous ratifierait ce qu’un Anglais , M. Georges Sims,écrivait il y a quelque temps sur ce Paris qui fut nos chères amours :
J'ai connu et aimé Paris toute ma vie, dit l'auteur d7n the ranhs, et je n’y ai jamais passé une heure d’ennui, si ce n’est aujourd’hui. Il y a deux ans, je prenais le café sur le boulevard, en voyant passer le flux et le reflux de la vie parisienne. A cette époque déjà, on remarquait un changement : Paris descendait la pente dont il a atteint aujourd’hui la base. Le voilà par terre, en tas, appelant en vain l’homme qui le relèvera pour le ramener au sommet. « République, ton nom est banqueroute ! » s’écrie un journaliste connu, et quoique je ne sois pas bien sùr que ce soit précisément de la