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LA FRANCE JUIVE
hébrèo-germain, dans lequel on discute le bénéfice à réaliser, a vite fait taire le piano où meurt la plaintive mélodie de Schumann ; la voix qui, une minute auparavant, était une caresse, un murmure de harpe éolienne, reprend comme par enchantement le sifflement guttural.
Chez les natures qui s’observent le plus, cet instinct est presque irrésistible. La vieille baronne James était une femme supérieure qui contribua beaucoup par son tact à assurer aux Rothschild la situation mondaine qu’ils ont aujourd’hui. Un jour, c’était chez la duchesse de Galliera, je'crois, elle se trouvait au milieu d’une assemblée d’élite; la conversation avait roulé sur les sujets les plus élevés, et la baronne y avait tenu sa place. On vint par hasard à parler de diamants. Soudain la Juive de Francfort reparaît. « Vous n’y entendez rien / » s’écrie-t-elle, et la voilà qui s’anime, qui passe en revue les diamants de tout Paris , indique le poids, l’éclat, le nombre des carats, la valeur vénale. Ce n’est que devant le silence qui s’est fait qu’elle rentre en possession d’elle-même et demeure quelques minutes comme honteuse de ce retour au métier primitif.
L'oeuvre’la plus remarquable dans ce genre reste le Baron Vampire de M. Guy de Charnacé 1 . Si l’auteur avait élargi un peu son cadre, il se serait approché bien près de Balzac. Qu’il est vivant ce Rebb Schmoull, le petit colporteur de Bohême qui gagne quelques millions en de malpropres spéculations, et qui tout à coup se présente sous le nom de baron Itakonitz, à Paris où la haute noblesse l’accueille à bras ouverts! Quel trait de mœurs parisiennes que cette alliance du baron et delà comédienne juive Sophie Fuch! Le baron lance l’actrice pour s’en servir comme d’un instrument afin de se venger d’un homme du monde, le vicomte de la Landeile, dont il a supporté les dédains, et quand cette fille s’est prostituée à tout Paris , le vicomte l’épouse solennellement. Grâce à la duchesse d’Ermenonville , le baron finit à son tour par épouser l’héritière d’un grand nom, M l,# de Solignac, et tout le faubourg Saint-Germain assiste au mariage.
1. Un mot suffira à caractériser la différence qui sépare le Baron Vampire des Monach- Ollendorlf avait demandé un roman à Charnacé et s’était engagé à le publier dans un délai très court ; il rendit cependant son manuscrit à l’auteur du Baron Vampire, en lui disant qu’un rabbin auquel il avait soumis l’ouvrage en avait déclaré la publication impossible. Quand les Monach parurent, Charnacé s’étonna qu’Ollendorff éditât un volume sur un sujet semblable, après avoir refusé le Baron Vampire : « Oh! ce n'est pas la môme chose! 1® rabbin auquel j’ai montré les Monach m’a déclaré que ce livre était très flatteur pour les Juifs. »
Je ne blâme pas, bien entendu, Ollendorff de s’ètre adressé à un prêtre de sa rely'e 11. J’ai consulté moi-même des ecclésiastiques sur mon livre, pour savoir s’il ne cou tenai' pas d’erreurs théologiques. S’il s’en était glissé une par hasard, je prie les membres du clerg de bien vouloir me la signaler.