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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE

La gauche, dailleurs, pénétrée dadmiration pour ce Poubelle quun dépouillement de scrutin resté fameux devait immortaliser plus tard, neut pas une parole de pitié pour les malheureux chiffonniers. Ce fut le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia qui shonora infiniment en prenant en mains la cause des infortunés quon condamnait à mourir de faim, et en la défendant devant des républicains repus qui, supputant davance la part quon leur ferait dans laffaire, riaient aux éclats tandis quil parlait.

Les jeunes résistèrent comme ils purent. Les vieux se couchèrent dans leurs cahutes et y attendirent la mort. Le père Laplace, qui navait pas mangé depuis quarante heures, ce qui, quoi quen puisse penser Poubelle, est dur pour un vieillard de soixante-quatorze ans, séteignit comme une bougie sur laquelle on souffle, à une réunion de la salle Graffard *. Le père Gouri, chassé de son taudis de la cité des Bleuets, vendit ses loques pour payer ses dettes et alla se pendre dans un garni du boulevard de Believille. Une vieille femme écrivit à un journal radical pour demander à Poubelle « de la faire abattre. »

Gette haine du pauvre, du travailleur, qui est sans exemple dans lhis-' toire, prend toutes les formes. Les républicains au pouvoir semblent navoir quune préoccupation : rabattre le prolétaire sur le Juif pour que celui-ci en fasse sa proie plus aisément. Tout est bon au Juif, en effet; en dépouil-

« M m0 Kahn, fille de M. Alphand, habite au n° 24 de la rue de Bondy. Comme larbre masquait la vue de la place, cette dame ne trouva rien de mieux que de prier son père, M. Alphand, de le faire enlever.

« Lordre en fut donné un samedi, et le dimanche matin cet ordre fut exécuté.

« La place de la République compte un arbre de moins ; sa régularité en est compro­mise : mais la fille de M. Alphand a satisfait son caprice.

« Citoyens, inclinez-vous et soldez la note. »

1. Lenterrement du vieil amant des ombres , victime de la rapacité des républicains, eut un caractère particulièrement touchant. Un chiffonnier poète, M. More, lut sur la tombe une pièce de vers naturellement incorrecte, mais dont certains passages étaient émouvants. Voici quelques-uns de ces vers, à titre de curiosité :

Cet homme s'est éteint au milieu de vos peines ;

Pendant que rassemblés, honnêtes travailleurs,

Vous cherchiez à tarir la source de vos pleurs,

Le sang sest glacé dans ses veines.

Ce fut un vieux lutteur ; comme vous il vécut

Sous le ciel noir, au sein des nuits froides et sombres,

Comme vous tous, il fut un vieil amant des ombres Que le labeur, hélas ! vaincut (?)

Salut à ce vieillard qui tomba haut la tête !

Sa mort jette en vos cœurs un lugubre frisson.

Puisse-t-elle arrêter leffroyable tempête Qui monte au ciel à lhorizon !