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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

à accepter ce douloureux honneur, à adresser au citoyen éminent et à lami dévoué notre suprême témoignage et notre dernier adieu, parce que je suis, de tous les membres de ladministration, son plus ancien collaborateur.

Lhomme que nous accompagnons à lendroit lon dort était de ceux qui ont pour cortège la douleur publique. La ville de Trévoux pleure en François Guillot un administrateur hors de pair; le Conseil général de lAin, lun de ses membres les plus actifs et les plusémittenfs; la République, lun de ses plus dévoués partisans.

On dit d'un soldat tué devant lennemi : mort au champ dhonneur; de celui qui est dans cette tombe nous pouvons dire: mort à la peine. Cest quà la vérité cette vie si bien remplie se résume en deux mots : travail, bienfaisance. Quel vide il laisse parmi nous! Quelle perte nous venons défaire! Quel est donc le « faucheur aveugle » qui porte ainsi la main sur le meilleur des nôtres? trouver un pareil dévouement aux intérêts de la démocratie?

Et cependant quel désintéressement dans l'accomplissement de cette tâche! Quelle noblesse dans les mobiles! Remplir son devoir fut son unique et constante préoccupation. Cest pourquoi je nhésite pas à le proclamer : François Guillot fit toujours passer la chose publique avant l'intérêt person­nel. Que de gens il a obligés! Que de services il a rendus! Les pauvres, les humbles, tous ceux qui souffraient, tous ceux qui avaient besoin dun conseil ou recherchaient un appui ne frappèrent jamais en vain à sa porte. Lui nambitionnait que lestime de ses concitoyens : cette estime eût été sa seule récompense, sil neùt obtenu cette croix de la Légion d'honneur que je vois briller sur son cercueil.

Laissez-moi, à ce propos, vous dire un fait qui mest personnel. Cétait en 1878. J'étais depuis un an à la tête de cet arrondissement quand M. le Préfet de lAin me demanda de lui désigner le plus digne de recevoir l'étoile de lhonneur. Jeus la bonne fortune de jeter les yeux sur Guillot, alors que personne, jusquà ce jour, nen avait eu lidée, sans doute à cause de sa modestie. Quand jappris que le décret qui le nommait che­valier de la Légion dhonneur était signé, je lui portai cette bonne nouvelle. Saisi dune grande émotion, il me dit dune voix entrecoupée par les san­glots : « Ai-je donc mérité la croix? » Et il me serra en pleurant dans ses bras. Le souvenir de cette scène, ai-je besoin de vous le dire, Messieurs, restera profondément gravé dans ma mémoire et dans mon cœur. Ah ! oui, pendant cinq ans, jai entretenu commerce avec cet excellent homme, et, durant cette période de cinq années, pas le moindre dissentiment nest venu troubler le charme de nos relations. Cest donc à moi, à moi surtout, qui ai vécu dans son intimité quil a été donné dapprécier combien était grande la noblesse de son âme et combien grande la bonté de son cœur.

Quant à vous, Messieurs, qui entourez cette tombe, vous qui êtes accou­rus des extrémités du département pour apporter votre dernier témoignage de sympathie à celui que vous aviez en si haute estime, vous avez raisor. de verser des larmes. De longtemps vous naurez à pleurer un pareil homme de bien : car si François Guillot eût vécu dans lantiquité, la Grèce l'aurait mis au rang de ses Sages.

Adieu, cher ami ! adieu, Guillot !

M. Ducher, conseiller général, eut loraison funèbre presque aussi éloquente :