LA PERSÉCUTION JUIVE
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Freycinet félin, onctueux, caressant et trompant tout le monde, ne donne guère l’idée d’une de ces figures rigides qui répugnent aux compromis et repoussent toute lâcheté morale.
Nul n’a jamais été moins austère que ce Jauréguiberry, qui, préoccupé uniquement d’assurer aux siens un avancement scandaleux, était le jouet docile des radicaux. Ce prétendu loup de mer était par excellence un amiral privé. Un Bohême créole, qui était devenu représentant parce qu’il divertissait Gambetta en imitant le bruit du vent dans les cocotiers, s’amusait chaque jour à venir trouver l’amiral à son hanc et à faire le geste de fendre l’oreilleà quelqu’un. L'autre riait de ses gros yeux ronds, de sa grande bouche ouverte niaisement; il ne sentit pas son honneur militaire s’indigner en faisant partie du même ministère qu’un Cazot et un Constans, et ne fut-pas troublé dans sa conscience de vieux mômier genevois lorsqu’on jeta dans le tombereau aux ordures l’image de ce Christ auquel il faisait semblant de croire : il accepta tout, et il aurait accepté bien d’autres choses encore pour rester ministre, si sa tête n’avait un jour déplu : displicuit nasus tuus...
Toujours prêt, comme tous les Protestants, à sacrifier son parti à sa secte, l’amiral, au lieu de prendre la défense des intérêts français à Madagascar, avait fait du ministère de la marine une succursale des missions protestantes anglaises; il s’était constitué le chaperon de ces pasteurs ingénieux et pratiques qui cumulent le commerce des bibles et celui des denrées coloniales.
Le baron de Gambourg, avec une modération peut-être excessive, a donné des détails intéressants, dans le Matin, sur cette étrange conduite d'un amiral français *.
L’amiral Jauréguiberry semble avoir été sous l’influence d’un pasteur protestant de Marseille, M. Monod 2 .
M. Monod, dit M. de Gambourg, a traduit avec empressement les libelles antifrançais des missionnaires méthodistes de Madagascar, qui dirigent contre la France l'hostilité des llowas ; il est affilié à Èxeter-Hall, l’oiüeine de la propagande antifrançaise et anticatholique de la « Missionnary Society » où l’on fait des œuvres religieuses, mêlées de politique et de commerce.
Ce pasteur a le mérite du moins d’être sincère et de ne point cacher que
L Matin, 14 janvier et 2 février 188b.
Z. La multiplication des Monod, sans avoir pris la proportion de celle des Mayer, a été taie des plaies d'Égypte qui ont le plus douloureusement affligé l’époque actuelle.