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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA PERSÉCUTION JUIVE

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louent sans même savoir pourquoi, multipliaient les dithyrambes et accu­mulaient les épithètes à propos du nouveau bâtonnier.

Il est certain, cependant, que rien ne ressembla moins à un tel por­trait que Le Berquier. Un avocat capable dêtre bâtonnier doit savoir à quoi sen tenir sur la légalité dun acte, et ne pas dire noir le lendemain quand il a dit blanc la veille. Ce prétendu parangon de fermeté était un simple jongleur. Puisquil s'agissait précisément du testament dune veuve et dun orphelinat, cétait le moment ou jamais de se montrer fidèle à son serment « de défendre la veuve et lorphelin ». Il a absolument manqué aux devoirs de sa profession pour des raisons personnelles, et que nos lecteurs sans doute devineront.

Pour moi, je ne perdrai jamais loccasion de mettre bien en évidence cet écart entre la réalité et la fiction, cette perpétuelle convention qui est le signe le plus inquiétant dune époque le besoin de la vérité 'nexiste plus, l'on peut répéter ce que disait Tacite des Romains de son temps : Nos vera rerurn vocabuïa amisimus.

11 restait à faire exécuter cette étrange décision. Le maire du 2 e arron­dissement, M. Carcenac, donna sa démission pour ne pas se rendre com­plice dun semblable méfait. Winckam soflrit pour la besogne qui répu­gnait à tous. Le 27 septembre 1832, accompagné du trop fameux Dulac, il crocheta les portes, qui résistèrent pendant cinq quarts dheure, et, malgré les protestations courageuses de M. Lefebure, il entra de force dans lim­meuble et chassa les Sœurs de lécole qui leur appartenait.

Toute la rue ameutée huait le misérable qui, tantôt cramoisi, tantôt blême, semblait, malgré son cynisme, avoir honte de lui-même; les libres penseurs eux-mêmes lui jetaient des injures au visage. Cétait la première fois en effet quon employait la force contre des Sœurs de Charité, la pre­mière fois aussi quun citoyen se chargeait volontairement dune tâche que les agents de police naccomplissaient quavec répugnance en sexcusant à haute voix sur les ordres reçus.

Aussi létonnement fut-il profond, lorsquà la réunion pour les élections consistoriales, au mois de février 1833, Winckam osa venir se vanter de sa mauvaise action, raconta ses exploits en style de bandagiste herniaire, et fut nommé membre du consistoire en compagnie de MM. Mirabaud et Steïner Dollfus.

Cette élection fut sévèrement jugée par les Protestants étrangers. Sans doute, on comprend le désir de vengeance qui anime certains êtres fiéleux dans des minorités qui ont été opprimées autrefois ; mais nest-il pas lâche de sen prendre à des femmes, à des religieuses de Saint-Vincent-de-Paul