LA PERSÉCUTION JUIVE
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louent sans même savoir pourquoi, multipliaient les dithyrambes et accumulaient les épithètes à propos du nouveau bâtonnier.
Il est certain, cependant, que rien ne ressembla moins à un tel portrait que Le Berquier. Un avocat capable d’être bâtonnier doit savoir à quoi s’en tenir sur la légalité d’un acte, et ne pas dire noir le lendemain quand il a dit blanc la veille. Ce prétendu parangon de fermeté était un simple jongleur. Puisqu’il s'agissait précisément du testament d’une veuve et d’un orphelinat, c’était le moment ou jamais de se montrer fidèle à son serment « de défendre la veuve et l’orphelin ». Il a absolument manqué aux devoirs de sa profession pour des raisons personnelles, et que nos lecteurs sans doute devineront.
Pour moi, je ne perdrai jamais l’occasion de mettre bien en évidence cet écart entre la réalité et la fiction, cette perpétuelle convention qui est le signe le plus inquiétant d’une époque où le besoin de la vérité 'n’existe plus, où l'on peut répéter ce que disait Tacite des Romains de son temps : Nos vera rerurn vocabuïa amisimus.
11 restait à faire exécuter cette étrange décision. Le maire du 2 e arrondissement, M. Carcenac, donna sa démission pour ne pas se rendre complice d’un semblable méfait. Winckam s’oflrit pour la besogne qui répugnait à tous. Le 27 septembre 1832, accompagné du trop fameux Dulac, il crocheta les portes, qui résistèrent pendant cinq quarts d’heure, et, malgré les protestations courageuses de M. Lefebure, il entra de force dans l’immeuble et chassa les Sœurs de l’école qui leur appartenait.
Toute la rue ameutée huait le misérable qui, tantôt cramoisi, tantôt blême, semblait, malgré son cynisme, avoir honte de lui-même; les libres penseurs eux-mêmes lui jetaient des injures au visage. C’était la première fois en effet qu’on employait la force contre des Sœurs de Charité, la première fois aussi qu’un citoyen se chargeait volontairement d’une tâche que les agents de police n’accomplissaient qu’avec répugnance en s’excusant à haute voix sur les ordres reçus.
Aussi l’étonnement fut-il profond, lorsqu’à la réunion pour les élections consistoriales, au mois de février 1833, Winckam osa venir se vanter de sa mauvaise action, raconta ses exploits en style de bandagiste herniaire, et fut nommé membre du consistoire en compagnie de MM. Mirabaud et Steïner Dollfus.
Cette élection fut sévèrement jugée par les Protestants étrangers. Sans doute, on comprend le désir de vengeance qui anime certains êtres fiéleux dans des minorités qui ont été opprimées autrefois ; mais n’est-il pas lâche de s’en prendre à des femmes, à des religieuses de Saint-Vincent-de-Paul