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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

Ils sadvisèrent, dit Amelot des Houssayes, dexposer les habits et le reste de cet enfant à laquelle tenoit encore partie du col et des costes, dans un bois éloigné dun quart de lieue du village de Glatigni, et afin quon pût le découvrir plus aisément, ils étendirent sa chemise sur un buisson de la hauteur de trois pieds. Ensuite ils sadressèrent à plusieurs personnes, et de la ville et de la campagne, pour les obliger daller chercher dans le bois, leur disant que sils pouvoient trouver quelque reste de cet enfant, ils les reconnoîstroient de sommes considérables.

Une femme du village de Ratonsai, qui nest pas beaucoup éloigné de celuy de Glatigni, a déposé, dans linformation faite au Parlement, que trois Juifs de Metz , quelle ne connaissoit point par leurs noms, sadressèrent à elle poui sçavoir ce que lon disoit de lenfant enlevé. Et sur ce quelle leur répondit que sil estoit vray que cet enfant eust esté mangé des bestes, ils dévoient faire chercher dans le bois, quon y trouveroit encore quelques petits restes de ses hardes, lun des Juifs adjouta quon pourroit bien aussi y trouver la teste.

En effet, peu de jours après, sçavoir le vingt-sixiesme septembre 1669, quatre porchers, qui gardoient leurs troupeaux dans le mesme bois, trou­vèrent la teste dun enfant avec le col et partie des costes, deux petites robes lune dans lautre, un bas de laine, un bonnet rouge, et une petite chemise étendue sur un buisson, le tout sans estre déchiré, ny ensanglanté.

Sur ladvis quils en donnèrent au père de lenfant et luy au procureur général, le Parlement commit à leur réquisitoire un conseiller qui se trans­porta sur les lieux, et qui dressa procez verbal de lestât du lieu lenfant avoit esté perdu, et de celuy lon avoit trouvé une teste et des habits denfant, lesquels habits le père reconnut, en présence du conseiller, pour ceux dont son enfant estoit vestu le jour quil fut enlevé. A légard de lenfant, il ne put estre reconnu à laspect de cette teste, parce que le visage en estoit défiguré, quoy que les chairs parussent assez fraîches et sanguinolentes, selon quil est porté par le mesme procez verbal qui en contient la levée.

Dans le mesme temps les porchers furent ouïs, qui déposèrent avoir trouvé les choses exposées de la manière quelles ont esté dites cy dessus, et lun deux adjousta quil nestoit pas possible que cet enfant eust esté dévoré par les bestes : car, outre que les habits nestoient point déchirez ny ensanglantez, il avoit remarqué que lorsque les bestes féroces ravissoient quelques brebis ou autre animal domestique, ils en mangeoient toujours la teste la première.

Cette manœuvre, qui pouvait réussir et qui a réussi dans un pays comme lAutriche , oùles Juifs sont tout-puissants, navait guère de chance de succès dans un pays comme la France du xvn« siècle, les Parlements, jouissant dune indépendance absolue, jugeaient dans la sérénité de leur conscience et sans obéir aux influences extérieures *.

1. M. Emmanuel Michel, conseiller à la Cour royale de Metz , auteur d'un livre excel­lent, Histoire du Parlement de Metz, constate que si les magistrats lorrains éprouvaient le mépris général alors pour les Juifs, il ne se départissaient pas vis-à-vis deux de leur devoir dimpartialité. « En 1660, écrit-il, un Juif avait été tué par un soldat. Cest sur les instances de la cour que le coupable fut poursuivi. Il avait été arrêté, mais le commandant de la place